Lutte contre les déserts médicaux : les réponses des candidats
Baisse de l’installation des médecins en exercice libéral, difficulté d’accès aux soins dans certaines zones de province ou des banlieues… La désertification médicale touche de plus en plus de régions. Comment lutter contre ce phénomène et ainsi garantir un accès pour tous à une médecine de qualité ? Nous avons posé la question aux candidats aux prochaines élections présidentielles.
Les médecins libéraux sont de moins en moins nombreux dans la plupart des régions de France, selon les Atlas régionaux de la démographie médicale française 2010 du Conseil national de l'Ordre des Médecins, avec de très importantes disparités régionales. A la question “Quelles mesures comptez-vous prendre pour lutter contre la désertification médicale ?“, les candidats ont évoqué plusieurs pistes : la révision du numerus clausus, des actions pour cibler les zones prioritaires et la mise en place de “maisons de santé“.
Promouvoir l’exercice regroupé via des maisons de santé
La grande majorité des candidats évoque la mise en place de maisons de santé, en priorité dans les zones déficitaires. Eva Joly d’Europe Ecologie entend créer “des maisons de la santé et de l'autonomie, regroupant médecins généralistes et professions de soins“ à raison d’“une pour 10 000 habitants en commençant par les territoires déficitaires“. Jean-Luc Mélenchon propose “d’aider financièrement la création de centres de santé (…) des structures de proximité, collectives, regroupées et pluridisciplinaires qui appliquent à la fois le tiers payant et les tarifs opposables“. Philippe Poutou privilégie pour les zones déficitaires des “Centres de Santé, publics et gratuit, ouverts 24h/24 avec des médecins et des professionnels de service public, installés au plus près de la population. Ces Centres de Santé, sont préférables à des maisons médicales, qui restent dans le cadre d’un exercice libéral“.
Nicolas Sarkozy défend son bilan : “Nous avons développé 230 maisons de santé pluri-professionnelles en 2011, et nous en avons plus de 450 en projet. Sur l'année scolaire 2010-2011, 146 étudiants se sont engagés à exercer dans une zone déficitaire. Avec le cumul emploi-retraite, en 2011, ce sont plus de 5 100 médecins qui sont demeurés en activité, contre 3 800 en 2010 et 1 500 en 2008“.
Santé : pôles d’excellence ou pôle de proximité ?
François Hollande évoque des pôles de santé de proximité qui “pourront prendre plusieurs formes : maison de santé, centre de santé ou encore hôpital local“. Une préoccupation également soulignée par Jean-Luc Mélenchon ou Nathalie Arthaud qui insiste enfin sur la nécessité de “maintenir les hôpitaux et maternités de proximité et mettre fin à leur fermeture sous prétexte de rentabilité, ce qui amène les malades à faire des dizaines de km pour se faire soigner ou accoucher“. Elle est rejointe en ce sens par François Bayrou qui estime qu’il “faut conserver les services de proximité : l'urgence en particulier, l'urgence cardiovasculaire, le soin ambulatoire, la maternité“.
Zones prioritaires : des mesures incitatives dès la formation
Les régions déficitaires sont identifiées qu’elles concernent des zones rurales ou urbaines. Mais comment inciter les professionnels de santé à s’y installer en priorité ? Grâce à des mesures incitatives ou contraignantes ?
Jean-Luc Mélenchon entend réserver “les avantages sociaux consentis dans la convention (...) qu’aux professionnels de santé qui s’installent dans des zones sous denses médicalement ou qui s’engagent à réaliser une médecine mobile dans des territoires qui en ont besoin“. François Hollande, candidat du PS, plaide pour une incitation précoce : “il faut d’abord, dès la formation, inciter les étudiants à aller là où on a le plus besoin d’eux, notamment en développant les lieux de stage dans les zones prioritaires“. Philippe Poutou, candidat du NPA, évoque la “création d’un statut de médecin en formation, rémunéré (SMIC) pendant toute la durée des études médicales en contrepartie d’un engagement à servir dans le service public là où des besoins existent“.
Nathalie Arthaud de Lutte Ouvrière évoque la possibilité d’aider les jeunes médecins à s’installer dans les zones prioritaires. Des diplômés auquel François Hollande consacre un “plan d’urgence pour l’installation des jeunes médecins“ qui, bien au-delà des incitations financières, visera à les aider dans la construction des projets médicaux, à les accompagner dans les démarches administratives, et à contractualiser les carrières et les parcours professionnels“.
Peu de candidats se risquent réellement à prévoir des mesures contraignantes. Nicolas Dupont-Aignant avance cependant la proposition que “tous les nouveaux médecins devront assurer un exercice de 2 ans dans les territoires les plus démunis : monde rural ou banlieues. Pour certaines spécialités, en fonction des nécessités, la liberté d’installation sera encadrée par un système de licence analogue à celui qui existe pour les pharmacies“. De son côté, François Hollande entend limiter “les conventionnements de secteur 2 dans les zones surdotées pour mieux répartir les professionnels de santé dans tous les territoires“.
Privilégier une approche plus globale
Jugeant que la politique engagée depuis 5 ans commence à porter ses fruits, Nicolas Sarkozy rappelle les réformes engagées : “Nous avons créé les contrats de coopération entre les professionnels de santé pour qu'un acte médical puisse être réalisé par un autre professionnel de santé, par exemple une infirmière ou un pharmacien. Nous avons augmenté le numerus clausus et mis en place les contrats d'engagement de service public qui permettent aux internes de recevoir une bourse pendant leurs études en échange de l'installation pendant quelques années dans des zones déficitaires“.
Jacques Cheminade se distingue en préconisant “un système de paiement en fonction du nombre de patients traités dans l’année (…), modulé en fonction de critères comme la nature et la gravité de la pathologie (…) et de la zone d’exercice du médecin. Il pourra donc être plus élevé dans les zones les moins favorisées, incitant les médecins à se répartir de manière plus équitable sur l’ensemble du territoire et donc à servir les populations les plus démunies“. Une politique qu’il entend joindre à une défense du service public dans ces zones géographiques.
Pour le Front National, le Dr Joëlle Melin entend éviter “la contrainte ou le recrutement de médecins à diplômes roumains de cursus 5 ans“ et lutter contre les déserts médicaux grâce à “une grande politique de ré-industrialisation des campagnes mais aussi des périphéries des villes, une réinstallation des fonctionnaires de l'État et territoriaux désinstallés depuis 30 ans par les pouvoirs successifs et par l'application de la tolérance zéro dans les zones urbaines difficiles“.
Faut-il revoir le numerus clausus ?
Face à la pénurie de médecins (particulièrement criante dans certaines régions), certains candidats entendent revenir sur le principe du numerus clausus (nombre d'étudiants admis en 2ème année de médecine), même si cela n’entraînera une hausse du nombre de médecins, spécialistes ou non, que 10 ans plus tard, en raison de la durée des études de médecine.
Pour Nathalie Arthaud, candidate de Lutte Ouvrière, la suppression du numerus clausus doit permettre d’en finir avec la pénurie de nouveaux médecins. Pour Nicolas Dupont-Aignan, le numerus clausus devra être revu, “afin d'éviter la pénurie dans certaines spécialités“, tout comme pour François Bayrou qui propose de l’élargir “par la négociation, contractuellement, mais en fléchant en même temps un certain nombre de postes pour des affectations de jeunes médecins, là où l'on en aura le plus besoin“.
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Découvrez l'ensemble du projet santé des candidats dans notre dossier consacré aux Présidentielles.
David Bême
Source : Questionnaires envoyés par Doctissimo aux candidats accessibles en ligne