Pilules 3ème génération : Touraine demande à l'Europe une révision des indications
Marisol Touraine souhaite limiter “rapidement et drastiquement“ les prescriptions de pilules de 3ème et 4ème générations et va demander, à cet effet, aux autorités sanitaires européennes de réviser “dans un sens restrictif“ les indications figurant sur les autorisations de mise sur le marché de ces contraceptifs oraux. Doctissimo détaille les annonces faites par la ministre lors d'une conférence de presse organisée le 11 janvier 2013.
Alors que la polémique concernant les dangers des pilules de 3ème et 4ème générations (P3G et P4G) se poursuit, la ministre de la Santé, entourée du Pr Dominique Maraninchi, directeur de l'agence nationale de la sécurité des médicaments et des produits de santé (ANSM), du directeur général de la Santé Jean-Yves Grall, et de Jean-Luc Harousseau, président du collège de la Haute Autorité de Santé (HAS), a souhaité rassurer la population et plus particulièrement les 5 millions de femmes sous pilules (dont la moitié sous P3G et P4G). “Je mesure bien évidemment les attentes des Français en matière de sécurité des médicaments“ et “je mesure aussi les interrogations légitimes de nos concitoyens et de nos concitoyennes sur l'usage des pilules de 3ème et 4ème générations“, a-t-elle poursuivi, mais “la pilule est un bon médicament“. Marisol Touraine a toutefois insisté sur le fait qu'“un médicament n'est pas un produit comme les autres : il présente des bénéfices mais aussi des effets indésirables, mentionnés d'ailleurs dans les notices figurant dans les boîtes“. Et de rappeler que les risques thromboemboliques veineux et artériels sont connus depuis la mise sur le marché des pilules.
5 millions de Françaises sous pilule, dont la moitié sous pilule 3ème et 4ème générations
En France, 5 millions de femmes sont sous pilule, dont la moitié utilise des 3ème ou 4ème génération. Pour Marisol Touraine, plusieurs facteurs conjugués expliquent la situation française, très pro-pilule, qui se distingue de celles observées ailleurs en Europe : le tropisme pilule, une demande des femmes elles-mêmes, et le marketing pharmaceutique. “Il est évident que les laboratoires souhaitent que leurs produits soient prescrits et qu'ils ont tendance à s'en donner les moyens“, a-t-elle souligné. Or, selon elle, “les pilules de 3ème et 4ème générations doivent être l'exception, pas la règle“.
Pour autant, la ministre de la Santé ne veut pas céder à un quelconque affolement. “Aujourd'hui, il n'y a pas de raison de demander aux médecins de rappeler leurs patientes“, a indiqué Marisol Touraine, en cela rejointe par Dominique Maraninchi pour qui “il y a urgence d'information mais pas urgence sanitaire“. Elle a donc invité les femmes sous contraceptif oral à se rendre chez leur médecin pour réévaluer avec lui la justesse de cette prescription.
Saisine des instances européennes pour restreindre les indications
S'il n'y a pas lieu de s'affoler, des réajustements sont néanmoins à prévoir. La ministre de la Santé a ainsi demandé à l'ANSM de saisir l'Agence européenne des médicaments (EMA) “pour que les indications des autorisations de mise sur le marché (AMM) soient révisées dans un sens restrictif“, a-t-elle annoncé. Cette saisine d'un pays membre de l'Europe risque toutefois d'être rejetée si la France ne présente pas de nouvelles données à l'Europe justifiant de restreindre les indications des pilules de 3ème et 4ème générations aux prescriptions de seconde intention.
Le matin même, l'EMA a en effet publié un communiqué indiquant qu'“il n'y a actuellement aucune nouvelle preuve suggérant un changement dans le profil de sécurité connu des pilules combinées commercialisées actuellement“. “Cela signifie que l'Europe ne s'autosaisit pas. C'est la France qui va la saisir, pas pour une suspension des pilules de 3ème et 4ème générations, mais pour limiter leur utilisation“, a expliqué Dominique Maraninchi, précisant : “Nous saisissons l'Europe ce soir“.
Analyser les prescriptions des médecins en matière de contraception
Sans directement accuser les médecins, la ministre de la Santé a par ailleurs insisté sur le fait qu'il revient aux professionnels de santé de rechercher les facteurs de risque individuels de leurs patientes lors de la prescription d'une pilule contraceptive pour s'assurer de délivrer “la bonne contraception, pour la bonne personne, au bon moment“. “Il faut rappeler que les pilules de 3ème et 4ème générations n'apportent rien par rapport aux pilules de 2ème génération“, a insisté la ministre. Et cette dernière d'indiquer que les résultats d'une étude évaluant la proportion de femmes ne supportant pas les pilules de 2ème génération sont attendus fin avril.
Quant à l'idée émise un temps par le Pr Maraninchi de restreindre la prescription des pilules par les seuls gynécologues ou endocrinologues, celle-ci est définitivement abandonnée. “Ce serait idiot de restreindre la prescription aux gynécologues“, a reconnu lui-même le Pr Maraninchi, d'autant que “les pilules de 3ème et 4ème générations sont davantage prescrites par les médecins spécialistes que par les médecins généralistes“, a complété Marisol Touraine.
Cette dernière compte par contre s'assurer que les professionnels de santé respectent scrupuleusement les indications de ces contraceptifs oraux combinés et a, pour cela, chargé la Direction générale de la santé “de mettre en place un dispositif qui permettra en France de limiter la prescription de ces pilules aux seules situations dans lesquelles elles sont médicalement requises“. Il s'agira d'analyser les prescriptions des médecins en matière de contraception, mais sous une forme que la ministre de la Santé n'a pas précisée.
Améliorer la pharmacovigilance
Gravement mise en défaut dans l'affaire du Mediator, la pharmacovigilance est une nouvelle fois pointée du doigt. Le système n'est pas parfait, reconnaît Marisol Touraine, qui a donc demandé à l'ANSM de renforcer le suivi de pharmacovigilance et d'en publier les données. Elle demande également à ce que soit facilitée la remontée des effets secondaires, jugée actuellement trop complexe. On rappelle que depuis juin 2011, les patients eux-mêmes peuvent déclarer les effets indésirables des médicaments qu'ils prennent.
À ce jour, 27 ans après la mise en place des premières bases de données, 567 déclarations d'effets indésirables concernant les pilules ont été recueillies, dont 13 relatives à des décès dus à des accidents thromboemboliques chez des femmes sous contraceptif oral, a rapporté Dominique Maraninchi. Parmi ces 13 décès, un était lié à une pilule de 1ère génération, 6 à des pilules de 2ème génération, 4 à des pilules de 3ème génération et 2 à des pilules de 4ème génération. Dans 92 % des cas, un facteur de risque était associé. Sur l'ensemble des effets indésirables rapportés, 43 % ont été attribués aux P2G, 43 % aux P3G et 11 % aux P4G, a poursuivi le directeur de l'ANSM. Ce dernier n'a cependant pas jugé bon de souligner que les générations de pilules mises en cause étant par définition plus récentes que les deux premières, on dispose de ce fait d'un recul nettement moins important.
Dominique Maraninchi a par ailleurs rappelé que les risques d'AVC étaient aggravés par toutes les pilules, quelle que soit la génération du progestatif, et que les P3G et P4G n'exposaient pas à un sur-risque. Par contre, il est vrai que ces contraceptifs oraux combinés doublent le risque d'accident thromboembolique veineux, le faisant passer de 2 à 4 pour 10 000 femmes sous pilules, par rapport aux P1G et P2G. Une étude rétrospective épidémio-pharmacologique va d'ailleurs être lancée pour évaluer le nombre de complications vasculaires chez les femmes sous contraceptif oral.
Lancement d'une campagne d'information
Enfin, la ministre de la Santé a chargé l'Institut national de prévention et d'éducation en santé (Inpes) de lancer une campagne d'information sur les moyens de contraception.
Amélie Pelletier
Source Conférence de presse au ministère de la Santé, en présence de Marisol tourainer, ministre de la Santé, du Pr Dominique Maraninchi, directeur de l'agence nationale de la sécurité des médicaments et des produits de santé - ANSM), du directeur général de la Santé Jean-Yves Grall, et de Jean-Luc Harousseau, président du collège de la Haute Autorité de Santé (HAS), le 11 janvier 2013.
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