Personnes séropositives : leur témoignage

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Comment vit-on au XXIème siècle quand on est porteur du virus VIH, en d’autres termes quand on est séropositif ?

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4 témoignages touchants

Nous avons recueilli les témoignages de quatre personnes séropositives qui se confient entièrement, expliquant comment elles ont appris leur séropositivité. Elles parlent également des premières démarches auprès des médecins, de la réaction de leur entourage, dans le milieu professionnel... et de toutes les difficultés rencontrées à cause de leur séropositivité.

Par leur témoignage, elles font passer des messages essentiels pour tout le monde !

C’est ce que nous racontent Chantal, Guillaume, Elise et Damien.

Lisez ces témoignages à la fois plein d’émotions, avec de la colère parfois, et surtout qui nous apprennent beaucoup.

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L'importance du dépistage précoce

Malheureusement, encore beaucoup de trop de personnes vivent avec le VIH sans le savoir et découvrent leur séropositivité très tardivement... quand le virus a évolué vers le stade du Sida, ou « Syndrome d'Immunodéficience Acquise », c'est-à-dire la forme tardive de l'infection par le VIH.

Aujourd’hui, la plupart des nouvelles infections sont liées aux personnes porteuses du virus qui ignorent leur séropositivité. D’où l’importance du dépistage précoce permettant aux personnes séropositives d’être traitées tôt, et d’éviter de nouvelles contagions.

 

Propos recueillis par : Ladane Azernour Bonnefoy. Dernière actualisation : mars 2015.

Le témoignage de Chantal

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Témoignage de Chantal 42 ans, maman de Marie 9 ans. Elle commence par dire comment elle a appris sa séropositivié...

Dans quelles circonstances avez-vous appris votre séropositivité ?

J'avais presque 23 ans, je vivais avec mon compagnon depuis 2 ans et demi. En personnes responsables, nous avions fait un test de dépistage quelques mois après nous être connus (afin de ne plus avoir à nous protéger). Le test était négatif. Quelques semaines plus tard, j'ai eu une angine et des ganglions, et mon médecin a voulu que je refasse un autre test qui s’est avéré aussi négatif. Cependant, Franck était de plus en plus instable psychologiquement et dans un état de santé relativement fragile. Il me parlait de refaire un test, et je trouvais cela stupide puisqu'il affirmait ne m'avoir pas trompée. Il a souvent insisté et j'ai fini par m'énerver sérieusement quand il l’évoquait.

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Et finalement... Finalement, un jour alors qu'il était vraiment très au fond de sa dépression, il m’a avoué en larmes : je t'ai menti, je t'ai tuée, quand je t'ai connue j'étais déjà séropositif depuis 3 ans, et j'avais peur de te perdre, alors je t'ai menti sur le résultat. J'ai été ébranlée par la nouvelle, je suis allée voir mon médecin qui m'a prescrit un dépistage, le lendemain j'ai eu le résultat : positif bien sûr ! Mais je suis une battante, je l’ai toujours été... Je ne me laisse pas écraser comme ça et j'ai de suite déclaré sans une larme que "je n'avais pas l'intention d'en mourir", la preuve, plus de 20 ans de contamination et je suis toujours debout, avec la pêche et sans aucune modification physique!

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Beaucoup de choses ont changé avec la déclaration de la séropositivité ?

Oh oui ! Ma vie entière en a été bouleversée. Par exemple, à l'époque nous ne pouvions pas avoir d'enfant sans risque. J’ai donc j'ai eu ma fille tard (de lui, et après une rupture de plusieurs années) et je n'ai pas pu, à cause de cela avoir un autre enfant.

Quand nous nous sommes séparés, je n'ai pas pu rencontrer quelqu'un d'autre qui m'accepte avec ma maladie. Souvent c’est à cause de la famille, des gens, des "on dit" plutôt qu'à cause de la crainte d'être contaminé. Et puis quand je rencontrais quelqu'un, avant même que je lui dise que je suis séropositive, ce que je faisais pourtant rapidement, la personne avait déjà été mise au courant par "des amis qui vous veulent du bien". Donc ma vie sentimentale a été fichue.

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Vie sociale et professionnelle

Suite du témoignage de Chantal. Après avoir passé un test qui a été séropositif, Chantal raconte ses problèmes survenus dans sa vie professionnelle.

Et du côté professionnel ? Pour ce qui est de ma vie professionnelle, il faut savoir que les premiers traitements étaient violents. Ils m'ont réellement rendue malade et j’ai dû arrêter de travailler. Quelques années après, ils ont heureusement évolué, mais il aurait fallu refaire des mises à niveau pour reprendre un poste réellement intéressant, et puis la fatigue est quand même là. J'étais pourtant une personne brillante en tout ce que j'entreprenais.

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Cependant, restant dans mon esprit de ne pas me laisser abattre, ne pas se sentir inutile, dans mon incapacité à l'inertie, j'ai mis à contribution mon "temps libre" pour m'investir dans de nombreuses associations caritatives. Avec ou sans structure déclarée, j'ai trouvé où je pouvais être utile.

Cela n'a pas été de tout repos, mais c'est aussi une façon de se dire que les "talents" ne sont pas gâchés, que nos acquis peuvent servir aux autres, que oui, la société a encore besoin de nous.

Diriez-vous que le regard des autres a évolué aujourd'hui ?

Je suis très mitigée sur ce point. Avant, nous avions la peste... On nous servait dans des gobelets en plastique (quand on nous invitait, parce pour le coup il n’y avait plus d'invitation aux repas). Et puis il y avait ces réflexions pesantes de certains membres du corps médical. Si le sang coulait mal lors de la piqûre, on vous glissait que « ça arrive avec des veines souvent trop piquées ». Vous évoquez vos vertiges, on vous demande quelle drogue vous prenez. Quelques rougeurs sur le visage et hop, le dermato refusait de vous serrer la main car "ça doit être la maladie de Kaposi", sans oublier la visite chez le gynécologue où l'on vous demande combien de partenaires vous avez eu cette année.... et j'en passe... puisque forcément un séropositif était soit une prostituée ou du moins une personne légère, soit un drogué.

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Donc oui, de ce côté ça va réellement mieux, franchement, nous sommes à présent des malades comme tout le monde. Le corps médical a enfin compris qu'il y a énormément de personnes sans vice, et aussi des hétérosexuels qui ont été contaminés.

D’un point de vue social, avant c'était normal de ne pas travailler (pauvres de nous qui allions mourir), à présent nous sommes devenus des fainéants, donc j'imagine qu'on doit nous trouver en bonne santé comparé au début !

Et concernant la vie amoureuse ?

Pour ce qui est de ma vie amoureuse, je ne vois pas vraiment d'évolution. Bien sûr, tous nos amis nous disent "et bien moi, ça ne me dérangerait pas d'être avec un séropositif". Alors pourquoi présente-t-on des éventuels prétendants à nos autres amies, mais pas à nous ? Ou encore, un homme va bien vouloir sortir avec vous, mais "ne se sent pas d'aller plus loin"... ou veut bien aller plus loin mais "préfère rester discret". Tout ceci est pénible, ces non-dits, ces mensonges, ces fausses excuses, toute cette hypocrisie, c'est très lourd.

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En conclusion, quels messages souhaiteriez-vous faire passer ?

J'aimerais que les autorités sanitaires et les médias parlent un peu plus des avancées positives de nos vies, du faible taux de contamination chez les personnes "traitées correctement", de la possibilité de concevoir des enfants sains, de l'urgence du dépistage pour tous afin d'enrayer ce fléau. Et il faudrait aussi publier des témoignages de vies qui certes, ont été brisées, compliquées par cette maladie, mais qui restent de belles vies, parce que des vies de battants, de personnes courageuses. Ce sont des témoignages comme ceux-ci qui feront de nous des personnes comme tout le monde et nous permettrons d'être à nouveau intégrés de façon normale dans la société. Car avant d'être une séropositive, je suis un être humain, une femme, une maman.

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Et en cela, je remercie les associations, et tout particulièrement Fight Aids Monaco, la Princesse Stéphanie, les encadrants, les bénévoles qui font tout pour que, non seulement nous gardions une dignité, que nous ayons les meilleures informations concernant notre maladie, mais qui, en prime, nous gâtent nous permettent de vivre des moments et des expériences que nous n'aurions sans doute pas vécus sans eux.

A lire aussi : > Autotest VIH : les 10 infos à connaître

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Le témoignage de Guillaume

Témoignage de Guillaume, 29 ans. Il a découvert qu'il est séropositif depuis deux ans.

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Quelle est votre vie depuis que vous vous savez séropositif ?

Je suis contaminé depuis deux ans maintenant. Je sais comment je l’ai eu, mais je ne sais toujours pas pourquoi j’ai tout fait pour l’avoir. Je ne sais pas l’expliquer, mais je crois que j’ai toujours su qu’un jour je l’aurais. Je suis pourtant de cette génération qui est venu au monde avec des capotes dans une main, et des bouquins d’explication sur le VIH dans l’autre. Et pourtant, ça ne m’a pas suffit, j’ai pris des risques, beaucoup, et j’ai toujours imaginé que je n’étais pas concerné tout en sachant que je l’étais. Une sorte de schizophrénie que je mets sur le compte de mon coming-out extrêmement tardif. En fait, c’est comme si j’espérais presque avoir le VIH pour pouvoir enfin dire que je suis homosexuel. Avec un diagnostic comme ça, on ne pouvait plus me dire : ah oui, mais peut-être que tu te cherches, tu ne sais pas vraiment, etc...

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Et votre vie a-t-elle beaucoup changé depuis cette séropisitivité ? Ma vie a pris un virage à 180°. Je suis plus apaisé, moins dans l’urgence, je me suis même mis en couple, et nous envisageons de nous marier... Je n’ai plus besoin de sortir comme avant, j’ai un besoin de cocooning, de rentrer retrouver mon compagnon.

Ce virus, j’ai l’impression de l’avoir apprivoisé, comme un animal de compagnie un peu. On cohabite et il m’arrive même de lui parler, les jours sans, quand j’ai un coup de mou, je lui dis qu’il ne m’aura pas et qu’il peut toujours courir pour essayer de me tuer.

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Le plus pénible au début, ce sont les médicaments, et puis c’est comme pour tout, on finit par s’y faire. On se dit que ce n’est pas pire que d’être diabétique ou d’avoir une maladie de Charcot, par exemple (mon oncle avait une maladie de Charcot). Alors oui, si on est HIV+ et qu’on a aussi la maladie de Charcot, c’est sûr que c’est tout de suite moins facile... L’humour est mon moteur et j’essaie d’avancer avec. Globalement, je suis bien !

Comment se déroule votre traitement ?

Il faut savoir qu’à partir du moment où le laboratoire m’a rappelé pour me dire qu’il y avait un petit problème de prélèvement technique et qu’on devait refaire la prise de sang, j’ai compris que j’étais séropositif. Mon médecin traitant m’a orienté vers un infectiologue spécialisé dans la prise en charge des séropositifs à l’hôpital. Celui-ci m’a refait faire un bilan complet, incluant une prise de sang, un ECG (électrocardiogramme) et une radio des poumons. Puis, il m’a expliqué que ma prise en charge était un contrat réciproque et que je m’engageais à me faire soigner et à suivre la procédure. Je suis en ALD (Affection Longue Durée) uniquement pour mon infection au VIH et ce qui est en rapport avec. C’est mon médecin qui a envoyé la demande à mon centre de sécurité sociale, lequel a donné son accord. Cela veut dire que tous les examens et les médicaments qui sont en rapport avec mon statut de HIV+ sont pris en totalité en charge par la sécurité sociale.

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La surveillance du traitement

Suite du témoignage de Guillaume. Il raconte son traitement anti-VIH.

Quelle est la surveillance du traitement ?

Au début, j’avais une prise de sang tous les mois, puis c’est passé à une fois tous les 2 ou 3 mois. A présent, tous les 6 mois. Cette analyse en soi n’a rien de compliqué, je vais au laboratoire à jeun, j’ai les résultats dans la journée. Ils sont envoyés directement à mon médecin. J’ai une liste impressionnante de résultats, ça va de ce qu’ils appellent ma formule sanguine (la quantité des cellules de mon sang), jusqu’à mon taux de sucre (glycémie) et de graisse (cholestérol, triglycérides) en passant par les enzymes du foie (Asat, Alat). A l’exception de cette prise de sang deux à trois fois par an, et ma prise de médicaments, chaque matin, je n’ai pas de véritable contrainte. Je dois toutefois prévenir mon médecin si je prends d’autres médicaments, même si ce sont de simples compléments alimentaires ou des vitamines.

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Et pour le quotidien, les vacances... ? Si je pars en vacances, je préviens dans quel pays je compte aller. Au début, je me souviens que j’appelais tout le temps pour demander si je pouvais manger tel ou tel fruit, pour ne pas interférer avec les traitements. Enfin, je dirais que j’ai de la chance parce que je n’ai eu quasi aucun effet secondaire, à part de légers maux de ventre au tout début de mon traitement. Soit je me suis adapté au traitement, soit le traitement s’est adapté à mon organisme... En tout cas, aujourd’hui je ne souffre plus de cela.

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Comment gérez-vous le regard des autres ?

C’est comme le reste, ça dépend des gens et des jours. D’abord, il faut savoir que très peu de gens le savent autour de nous. A l’exception de mon compagnon, mes parents et mes frères, personne ne sait que je suis séropo. Je travaille depuis plusieurs années dans une agence de relations publiques et j’ai une charge de travail impressionnante. Alors même si c’est une boîte très « open », cela ne les a pas empêché de virer une des directrices de clientèle parce qu’elle a été arrêtée plusieurs fois pendant sa grossesse. Evidemment, ils lui ont collé une raison valable aux yeux de la loi, mais je ne suis pas dupe. Je n’ai donc rien dit à personne et ma séropositivité n’interfère pour l’instant pas avec mon travail.

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Et vis-à-vis de vos amis ?

Pour les amis, je ne vois pas l’intérêt de dire que je suis séropositif, je n’ai pas de relations sexuelles avec eux (ou du moins on va dire que je n’en ai plus). L’ex-femme de mon compagnon l’a appris par lui, et pendant 6 longs mois, notre vie a été un enfer. Elle a refusé que leurs enfants adolescents viennent dormir chez nous comme c’était le cas un week-end sur deux et la moitié des vacances scolaires. Elle a prétexté que j’étais un danger public, ne me serrait pas la main et obligeait ses enfants à boire et manger dans de la vaisselle jetable.

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Aujourd'hui, la situation s'est-elle améliorée avec la famille, les proches ? Tout cela est bien derrière nous à présent. Et aujourd’hui, je suis ravi des relations que nous entretenons avec les enfants qui sont adolescents. Enfin, je dirais que globalement, je n’ai pas trop à souffrir du regard des autres qui est inexistant par rapport à ma séropositivité. Et je ne suis pas non plus l’archétype de l’homosexuel tel qu’il est caricaturé dans les films. Mais quand on est tous les deux, au restaurant ou à une soirée, je vois bien les regards amusés des gens parce qu’on est gays. Alors je dirais que je préfère ce regard amusé, voire méprisant parfois, au regard terrorisé si l’on apprenait que je suis en plus séropositif.

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... Un message à délivrer ? Oui, en particulier aux jeunes, quelle que soit leur sexualité : amusez-vous si vous le voulez, changez de partenaires si ça vous change, soyez monogame si tel est votre plaisir... La seule chose que vous devez avoir en tête c’est de vous protéger et faire un test de dépistage dès que vous avez pris un risque !

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Le témoignage d'Elise

Témoignage d'Elise, 48 ans, maman de Pierre 20 ans. Elle est séropositive.

Comment ont été les réactions à l'annonce de votre séropositivité ?

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J'ai appris ma séropositivité en 1989, lors d'un "banal" examen de laboratoire.

Lorsque les résultats sont tombés, je n'étais presque pas surprise... J'avais eu une transfusion en août 1985 qui s'est révélée être le mode de ma contamination.

Je me suis dit encore une maladie de plus, ma réaction peut paraître inconcevable pour certains. En effet, depuis l'âge de 6 ans, j'ai passé ma vie à être malade (tuberculose osseuse, puis recto-colite ulcéro-hémorragique à 16 ans) alors la survie et le combat ont toujours fait partie de mon existence. Il faut dire aussi que le SIDA, la séropositivité, le VIH, n'avaient pas le même impact dans ma tête qu'actuellement, et je pense que je n'ai pas réalisé à ce moment-là l'ampleur de cette pandémie et ses conséquences.

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Et du côté de votre famille ? Mon médecin traitant a informé mes parents. Je suis certaine qu'ils n'ont jamais pris la mesure du problème, car nous n'avons jamais évoqué "ma maladie" (peut-être leur âge avancé, trop d'écart de générations, le manque d'informations...). D'ailleurs mon père est rapidement tombé malade, hasard ou coïncidence ? J'ai eu la chance d'avoir une famille maternelle formidable (tantes, cousins, frères et soeurs) qui ne m'a jamais rejetée et ne m'a jamais fait sentir une peur, une inquiétude, un jugement. Par exemple : le linge et les assiettes "c'est pareil pour tout le monde" et cela m'a touchée. J'ai bien conscience que c'est une chance extraordinaire. Quant à mes amis : j'ai fait instinctivement le tri de ceux qui pouvaient l’entendre et ceux qui ne devaient surtout pas savoir...

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Comment s'est passé la suite ?

Au moment de l'annonce, je travaillais et j'ai continué, comme si de rien n'était. La seule chose qui me préoccupait dans mon travail, était d’éviter de me blesser et de contaminer mes collègues de travail. Je n'arrive pas encore à m'expliquer cette attitude de ne pas avoir peur du SIDA.

Puis vous avez eu un enfant...

Deux ans après, j'ai eu mon fils Pierre, qui est arrivé par surprise et ce fut difficile de choisir de le garder ou pas. J'étais tellement dans le déni de ma maladie que j'ai même refusé tout traitement pendant ma grossesse. Mon fils Pierre qui a 20 ans aujourd'hui, n'est heureusement pas concerné par cette maladie. Avec le recul et ce que je sais maintenant de la transmission de la mère à l'enfant, je n'aurais pas eu la même attitude et je n'aurais pas pris autant de risque pour lui. Le fait de ne pas avoir d'enfant est forcément un drame. L'impression d'avoir "la double peine". La maternité m'a certainement sauvée la vie... C'est un moteur qui m'a empêchée de sombrer, c'est ma joie de vivre, voir mon enfant grandir et des projets plein la tête. Je pense aussi qu'une maternité pour une personne séropositive a une double résonance : survivre à travers son enfant, être plus fort que la maladie...

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Comment cela se passe d'un point de vue professionnel ?

Actuellement, je travaille à temps partiel et j'aime beaucoup mon travail. Il m'est nécessaire financièrement et surtout moralement. Je me sens comme tout le monde, intégrée, et je côtoie des personnes différentes de celles que je rencontre dans les associations de personnes vivant avec le VIH. Il est vrai que le temps partiel me convient car il me serait difficile de travailler à temps complet pour des raisons de fatigabilité. Je suis obligée de mentir à mon employeur et mes collègues quand je dois me rendre à l'hôpital ou chez mon médecin pour les bilans et les examens. C'est une situation difficile de devoir mentir mais je n'ai pas le choix. Je sais que certaines personnes osent en parler et le vivent bien dans leur milieu professionnel. Je ne suis pas encore dans la divulgation. Il existe encore beaucoup de tabou. La peur due à la méconnaissance est toujours là.

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Quel traitement suivez-vous ?

Pendant 23 ans, je n'ai pas eu besoin de traitement et je n'ai jamais développé de maladies opportunistes, je ne saurai l'expliquer : une bonne hygiène de vie, une non sur-contamination, une chance, le déni ? En tout cas j'ai vécu sans y penser au quotidien. Ma vie familiale et personnelle très difficile a pris toute la place et m'a permis "inconsciemment" d'occulter ma maladie. J'ai élevé mon fils "pratiquement" seule et ce sacré combat de tous les jours ne m'a pas laissé le temps de penser à moi, à ma maladie. Attention, je ne suis pas un être exceptionnel, mais c'est façon de vivre, ma raison d'être.

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En 2008, j'ai commencé une trithérapie qui compte tenu de mon état de santé n'est pas très handicapante. Au début, cela m'a un peu fatiguée et surtout je ne comprenais pas l'utilité de prendre un traitement alors que je me sentais bien.

Vous avez des moments de déprime... comment faites-vous pour les surmonter ?

Mes petits moments de blues, de déprime, sont plus liés à des problèmes familiaux qui me tiennent à coeur, qu'à l'évocation de ma séropositivité.

Sur les conseils de mon médecin, je me suis inscrite dans une association de personnes vivant avec le VIH, et paradoxalement, c'est à ce moment-là je que j'ai vraiment pris conscience de ma pathologie, des difficultés physiques et morales que le VIH entraînent. J'étais dans la réalité et non plus dans le déni, qui de toute évidence, m'avait préservée. J'ai rencontré mon amoureux au sein de cette association en 2007 et nous sommes bien plus forts ensemble, j'essaye de lui transmettre ma joie de vivre, une bonne hygiène de vie et le respect de lui-même, une façon différente de voir la vie.... côté positif.

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J'ai la chance d'avoir une vie "normale" : un travail, un amoureux, un enfant, quelle chance, alors je n'ai pas envie de me plaindre, je ne suis pas à plaindre... Il y a tellement de belles choses à faire pour les siens, c'est ce qui me préoccupe, le bien être de ceux qui me sont chers.

Qu'est-ce que vous auriez envie de dire aux personnes séropositives mais aussi aux séronégatives ?

Il faut continuer à se mobiliser pour la prévention, à protéger nos jeunes qui n'ont pas vraiment conscience du VIH et de ses conséquences, ils prennent des risques en pensant à tort que les trithérapies sont le remède miracle. Il n'y a pas de remède, les médicaments font quand même des dégâts au niveau physique, physiologique et psychique et c'est très "lourd à porter".

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Penser au dépistage, c'est vraiment important, ne pas se voiler la face, de ne pas faire prendre des risques aux autres et à soi-même, cette maladie détruit des familles... Arrêter d’être égoïste et affronter la réalité.

Attention à l’entourage de ne pas diaboliser cette maladie, et de ne pas rejeter les personnes de votre famille, vos amis, vos relations, vos voisins, vos collègues de travail, nous ne sommes pas des pestiférés ! Nous avons un coeur et tellement de possibilités. Parfois, de l'énergie à revendre, des projets, des envies, des désirs, de l'amour à profusion, des humains tout simplement. Les modes de transmissions et de contamination sont connues alors la peur ne doit plus exister. L'amour, la confiance, la tolérance, l'empathie doivent être la règle absolue.

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Nous ne sommes plus seuls, un pays même en crise qui nous permet de nous traiter correctement, des associations pour nous défendre, nous aider et revendiquer. Nous ne sommes plus seuls... Bien sûr, cela n'a pas été toujours le cas, et il y a tellement de choses à améliorer pour la prise en charge globale des séropositifs et de leur famille. Mais regardons plus loin, nous sommes des privilégiés.

Un point particulier vis-à-vis des enfants ?

Je voudrais rajouter que la révélation de la maladie à son enfant est un problème majeur. Je connais des mamans qui le cachent, qui se taisent, qui dissimulent pensant protéger leurs enfants. D'autres qui voudraient parler et ne savent pas à quel moment, dans quelles conditions, avec qui comme soutien.

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J'en ai fait la douloureuse expérience avec mon fils. Il a développé une maladie psychosomatique à l'annonce de ma séropositivité, j'aurais bien aimé un peu de soutien, de conseils pour aborder le sujet dans de meilleures conditions. Heureusement tout va bien aujourd'hui, mon fils me ressemble. Il a une force de vie incroyable.

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Le témoignage de Damien

Témoignage de Damien 45 ans, époux d'Angélique 49 ans, sa femme séropositive.

Vous avez connu Angélique alors qu'elle était séropositive.

Oui, mais ce n’est pas comme ça que je définirais notre relation. Quand j’ai connu Angélique, elle avait 21 ans et moi 17. Je suis tombé amoureux d’elle, désespérément, je l’avais dans la peau. Elle ne m’a même pas accordé un regard, je n’avais pas assez de poil au menton. Puis les années ont passé, j’ai eu une vie assez médiatisée, et un jour alors que j’étais à la radio, Angélique m’a appelée pour me parler. On n’était pas encore à l’époque des réseaux sociaux et on ne retrouvait pas facilement les gens. J’ai discuté un peu avec elle et je lui ai proposé de nous voir et prendre un pot tous les deux.

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Que s'est-il passé alors ? Ma femme était enceinte de notre 2ème enfant à ce moment-là. Je ne pensais plus à Angélique et franchement, ce verre c’était juste comme ça. Quand je l’ai vue dans le bistrot où nous nous sommes retrouvés, soudainement j’ai eu 17 ans à nouveau et elle 21. J’ai bafouillé, mon cœur voulait sortir de ma poitrine. Alors que je pouvais passer à la télé sans aucun trac, je me retrouvais à trembler devant elle. On avait rendez-vous à 14 h, quand je suis rentré chez moi ce soir-là il était 2 heures du matin. Je savais que c’en était fini de ma vie d’avant. Ce jour-là Angélique m’a dit qu’elle avait contracté le virus du sida dans des conditions extrêmement glauques et qu’elle avait un petit garçon de 2 ans. J’ai passé une nuit blanche, j’ai attendu le réveil de mon ex-femme et je lui ai dit que je la quittais parce que je venais de retrouver la femme dont je n’avais vraisemblablement jamais cessé d’être amoureux. Alors vous comprenez que je ne puisse pas dissocier Angélique de sa séropositivité, c’est comme ça, c’est une part d’elle et je ne peux pas imaginer Angélique sans cela...

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Comment se passe la vie quotidienne ?

Elle est simple et compliquée à la fois. D’une part, nous avons exactement la même vie que les milliers de familles recomposées, d’autre part il ne faut jamais perdre de vue qu’Angélique a quand même une pathologie, même si elle est devenue presque bénigne aujourd’hui. Nous avons 6 enfants en tout car nous avons eu 3 enfants (par insémination artificielle) ensemble. Alors oui, je ne vais pas mentir, il y a eu des tas de choses qui sont difficiles, moins maintenant que la maladie est maîtrisée. Par exemple, quand nous avons dû faire un prêt, il a fallu l’oublier et heureusement que je gagnais très très bien ma vie, que nous avons pu compter là-dessus pour l’achat de notre maison, par exemple. Et puis, j’ai voulu qu’Angélique s’arrête de travailler pour ne pas se fatiguer. Elle s’occupe de nos enfants et elle fait tourner notre foyer, ce qui n’est pas rien. Et à une époque, j’étais terrorisé qu’elle ne puisse pas profiter de ses, de nos enfants... J’ai mis beaucoup de temps avant de comprendre qu’elle n’allait pas forcément mourir dans le mois qui suivait. Et puis Angélique est une sacré fille, elle continue à faire du sport, ecrit un livre, elle est bénévole aux Restos du cœur... Finalement elle ne s’arrête jamais.

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Et vis-à-vis de vos enfants, comment cela se passe au quotidien ? Nos enfants sont tous séronégatifs et j’en suis bien entendu très heureux. Ils n’ont jamais été tenus à l’écart de l’état de santé de leur mère. Ils connaissent tous les protocoles, ils savent pourquoi elle a des prises de sang aussi fréquemment, pourquoi elle devient hystérique quand elle se coupe et qu’ils veulent juste lui coller un sparadrap... Ils sont à un âge où ils ont plus ou moins débuté une vie sexuelle et ils participent beaucoup aux programmes de prévention dans les collèges et les lycées.

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Je ne sais pas et nous ne saurons jamais si tout cela aurait été comme ça si elle n’avait pas été infectée par le virus du sida ! Je dirais donc pour répondre que notre vie quotidienne actuelle est agréable et complètement normale.

Que diriez-vous aux séronégatifs par rapport au HIV ?

Il y a encore beaucoup trop de personnes qui craignent se mettre en couple avec des séropositifs. Je trouve cela tellement dommage de passer à côté du bonheur pour une simple question de statut viral... Alors vous allez me dire que c’est facile pour moi parce que j’étais déjà amoureux d’Angélique avant qu’elle ne soit contaminée. Mais je n’ai pas de problème si l’un de mes enfants m’annonçait un jour qu’il veut faire sa vie avec un(e) séropositif(ve). Il faudrait qu’un de ces jours, on finisse par accepter cette maladie comme on accepte d’avoir de l’hypertension par exemple, et se dire qu’on peut très bien vivre avec !

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Voir aussi cette vidéo (web-reportage) avec plein d'autres témoignages :

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Sources et notes : www.sidaction.org http://www.sida-info-service.org/


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