L’anasarque : quand le corps se met à gonfler
En cas de maladies graves du cœur ou des reins, un gonflement peut atteindre l’ensemble du corps. Le docteur Jean-Claude Deharo, cardiologue à l’hôpital de La Timone à Marseille nous explique l’origine du phénomène et son traitement.
Définition
L'anasarque est à un œdème généralisé correspondant à une rétention de fluide dans les tissus interstitiels, se manifestant alors par un gonflement au niveau des membres inférieurs appelé œdème. Dans des cas extrêmes de pathologies très évoluées, l’œdème peut se généraliser. Il va toucher non seulement les parties inférieures mais aussi l'abdomen ou la plèvre. L'anasarque est un signe d'insuffisance cardiaque majeur qui parfois peut indiquer une évolution terminale de la cardiopathie.
Les autres causes peuvent provenir des reins ou du foie.
L’anasarque peut être secondaire à d’autres étiologies, comme la pré-éclampsie chez la femme enceinte, une hypoalbuminémie (dénutrition, malabsorption…) ou encore être lié à la prise de certains médicaments (corticoïdes, AINS, inhibiteurs calciques, IEC...) qui seront généralement plutôt source d’œdèmes localisés aux membres inférieurs. "L'anasarque est de plus en plus rare, rassure le docteur Jean-Claude Deharo, cardiologue. Les patients en insuffisance cardiaque ou rénale sont aujourd’hui étroitement surveillés".
Comment se forme l’œdème ?
Dans le cadre d’une insuffisance cardiaque, la diminution du débit entraîne une augmentation des pressions (le cœur pompe moins bien) qui se manifeste par des œdèmes.
Dans le cadre d'un dysfonctionnement au niveau des reins, on note une inflammation interstitielle à l’origine d’une réabsorption excessive de sodium et d’eau par les reins. Ce liquide s’accumule dans les tissus.
Dans tous les cas il est conseillé de consulter rapidement son médecin.
Quels sont les symptômes ?
L’anasarque s’accompagne d’une importante prise de poids inhabituelle, inexpliquée et brutale. Souvent plus de 10 kilos en 15 jours seulement. L’abdomen est extrêmement tendu et dilaté. Le patient, ne présente pas de fièvre mais rencontre des problèmes de respiration à cause de l'épanchement pleural. L'œdème est mou, indolore et de couleur blanche. Il garde la marque du doigt quand on y appuie dessus. "L’ascite rentre dans le tableau de l’anasarque, précise le cardiologue. Les autres signes cliniques (hépatomégalie, ictère) correspondent à d’autres conséquences de l’insuffisance cardiaque ou à une cause d’origine hépatique".
Qu’appelle-t-on épanchement pleural et péricardite ?
Un épanchement pleural correspond à la présence d’une quantité anormale de liquide entres les deux feuillets pleuraux (médiastinal et pariétal) ; un écoulement péricardique correspond à la présence d’une quantité anormale de liquide entre les deux feuillets péricardiques. En cas d’anasarque, les deux sont possibles.
Comment est posé le diagnostic ?
L’anasarque est détectée de manière exclusive par l’examen clinique (constat de la prise de poids, de la présence de l’œdème généralisé, pression tactile de l’œdème, vérification des antécédents médicaux). Le médecin tentera de repérer la présence d’un ictère pouvant révéler un trouble hépatique, il auscultera aussi le cœur et les poumons.
Dans le cas d’une insuffisance rénale, un bilan biologique sanguin (créatininémie, protidémie, ionogramme) et urinaire (protéinurie en particulier), ainsi qu’une échographie des voies urinaires seront à réaliser. "Les anomalies biologiques peuvent effectivement orienter le bilan étiologique (BNP en cas de cause cardiaque, créatininémie en cas de cause rénale, cytolyse avec anomalie de la coagulation...)", complète le spécialiste.
Une échographie du cœur sera réalisée en cas de suspicion ou d’antécédent de maladie cardiaque afin de mettre en évidence une anomalie structurelle (valvulopathies, dysfonction ventriculaire gauche…).
Les traitements
Le traitement consiste avant tout à traiter la cause.
Puis dans le cas de la cardiopathie, il sera administré au malade des diurétiques durant au moins une semaine à fortes doses par voie intraveineuse ce qui nécessite une hospitalisation de 7 jours en moyenne. Le patient peut uriner entre 7 et 8 litres par jour pendant 72 h. Une prise en charge en urgence permet une amélioration rapide. La durée du traitement dépend de l’état initial du patient et notamment de l’importance de l’anasarque.
"Il s’agit de diurétiques de l’anse qui agissent sur la branche ascendante de l’anse de Henlé, explique le cardiologue. Ils peuvent être associés à des diurétiques à effet distal tels les thiazidiques ou les anti-aldostérones, permettant une action synergique de ces différents médicaments. La diminution des apports sodés est également essentielle à la prise en charge thérapeutique". Ces substances permettent une perte de poids secondaire à l’élimination du volume extra-cellulaire supplémentaire. Il est nécessaire d’ajuster la posologie des diurétiques pour ne pas dépasser l’effet souhaité. "Le même traitement sera administré en cas d’insuffisance rénale, précise le docteur Jean-Claude Deharo. Mais quelquefois on réalise une hémofiltration pour éliminer l’eau et le sel accumulés".
Si la cause de l’anasarque est médicamenteuse, les médicaments ayant provoqués le gonflement seront remplacés par d’autres.
En cas de cirrhose ou de syndrome néphrotique une restriction du sodium aura lieu. Les sels de potassium seront remplacés par des sels de sodium.