Accouchement : le tabou de la descente d’organes
On a coutume d’associer le prolapsus à la vieillesse. Or, celui-ci peut aussi survenir chez la femme, souvent après un accouchement difficile, impactant considérablement la vie des femmes touchées. Pour s’en sortir, il faut oser en parler : aujourd’hui, on dispose de plusieurs solutions pour traiter cette gêne, selon le stade auquel elle se présente. Le professeur Xavier Gamé, chirurgien-urologue au CHU de Toulouse, nous éclaire sur les symptômes et la chirurgie du prolapsus.
Le prolapsus est un problème fréquent : une femme sur trois1 subit ce désagrément, qui se manifeste par la présence d’une boule dans le vagin. Cette tuméfaction est due à la descente d’un organe : la vessie le plus souvent, l’utérus ou plus rarement, le rectum.
Tous sont normalement soutenus par des ligaments et des muscles (le périnée). Mais il arrive que les tissus de ce plancher pelvien se dégradent et se relâchent, du fait de la station debout et des activités physiques de la vie courante. Les organes ne sont alors plus correctement maintenus et descendent de manière progressive : c’est ce que l’on appelle le prolapsus1.
Dans les cas les plus graves, une partie des organes peut même sortir du corps, ayant de véritables conséquences sur la vie de la personne concernée. Pour le Pr Gamé, chirurgien urologue, "Le plus souvent, la principale gêne est fonctionnelle, avec une sensation de boule qui descend voire une gêne pendant les rapports. Il y a aussi bien sur d’autres signes fonctionnels avec des difficultés à uriner, besoins urgents et fréquents, incontinence urinaire. Troubles digestifs, difficultés pour aller à la selle, souillures, urgences défécatoires. Il existe d’autres complications exceptionnelles à un stade plus avancé, avec des ulcérations sur les muqueuses, et, plus rare encore, une insuffisance rénale"2.
Un sujet qui suscite encore le malaise
Ce problème survient souvent à partir de la ménopause, âge auquel les tissus perdent en souplesse. Mais pas seulement. La solidité du plancher pelvien varie d’une femme à l’autre : cette fragilité s’observe parfois chez plusieurs femmes de la même famille, sans que l’on puisse véritablement affirmer qu’elle est héréditaire. Et certains "traumatismes", en particulier un accouchement difficile (mais aussi une activité physique - professionnelle comme le port de charges lourdes, ou sportive intense ; certaines pathologies comme l’hyperlaxité ligamentaire…), peuvent être à l’origine de cette descente d’organes.
Celle-ci peut ainsi survenir dès le premier accouchement (en cas de gros bébé, d’un accouchement par voie basse après de longues heures de travail, d’une utilisation d’instruments tels que les forceps…) et même, dans de plus rares cas, pendant la grossesse. Le tout accentué par la surcharge pondérale.
Pour notre expert, le professeur Xavier Gamé, chirurgien urologue au CHU de Toulouse, "ce n’est plus vraiment un sujet tabou. Aujourd’hui, les femmes n’hésitent plus à consulter. Les patientes nous sont le plus souvent adressées par leur médecin généraliste ou leur gynécologue médical". Pour le spécialiste, il faut ne pas pour autant banaliser le phénomène : "il faut savoir cependant que si les symptômes ne sont pas gênants, on ne traite pas. Il y a une dimension psychologique forte qu’il faut prendre en compte, et ces femmes ont souvent besoin d’être rassurées. Toutes les femmes qui accouchent ont un prolapsus, ce n’est pas grave. Dans la plupart des cas, cela se résorbe naturellement, grâce aux rééducations périnéales et abdominales. Il faut relativiser et rassurer les femmes concernés".
Des traitements différents selon le stade
Le diagnostic se fait généralement en position gynécologique ou parfois debout, pour bien évaluer la gêne. Le Pr Gamé explique que "le diagnostic est clinique. En première intention, il n’y a pas d’imagerie nécessaire (IRM). On réalise cependant une échographie pour voir s’il n’y a pas de retentissement du prolapsus sur les reins ou de maladie pelvienne associée qui pourraient être traités dans le même temps chirurgical".
Une fois le diagnostic confirmé, le traitement choisi dépend de plusieurs facteurs : la gêne ressentie, l’état de la patiente, son âge et la présence de troubles (notamment urinaires) associés. Il existe plusieurs lignes de traitement selon le stade. "Au stade débutant, on propose initialement des traitements conservateurs. La rééducation d’abord, est réalisée par les sages-femmes ou des kinésithérapeutes, avec pour objectif de renforcer les muscles de soutien du périnée". Le chirurgien urologue précise que "la rééducation permet de corriger le prolapsus dans 40 à 50 % des cas".
Lorsque la gêne est ponctuelle (par exemple, lors d’une activité physique) mais supportable le reste du temps, il est aussi possible de recourir à un pessaire : un anneau en silicone ou plus souvent un cube avec fil de retrait que l’on place à l’intérieur du vagin et qui permet de remonter l’organe descendu. Ce pessaire peut être retiré dès que besoin. "Ces pessaires miment les effets d’une intervention chirurgicale, mais cette méthode est transitoire, voir palliative. De plus, contrairement à ce que pensent encore certains médecins, son efficacité n’est pas vraiment prédictive de la réussite d’une éventuelle chirurgie. Bien que ce soit un traitement non définitif du prolapsus, certaines femmes refusent la chirurgie et sont parfaitement satisfaites avec le pessaire".
La chirurgie reste incontournable
La chirurgie devient indispensable en cas de gêne constante ou de complication. Il n’y a pas d’âge minimum pour recourir à la chirurgie. Mais il est conseillé d’avoir terminé ses projets d’enfants avant de l’envisager, pour ne pas risquer de voir le problème se reproduire après une nouvelle grossesse. La chirurgie du prolapsus peut se réaliser de deux manières : par voie haute par voie abdominale (en passant par le ventre) le plus souvent par cœlioscopie qu’on appelle promonto-fixation, ou par voie vaginale.
- La chirurgie par voie abdominale vise à remonter les organes en place et à les suspendre par des bandelettes ou des fils chirurgicaux pour éviter la récidive, l’utilisation de prothèse est aussi possible. On parle de promontofixation car les bandelettes s’accrochent au "promontoire", un os proéminent au niveau de la base du sacrum. L’intervention dure deux heures environ, elle se fait sous anesthésie générale et demande une hospitalisation de quelques jours ;
- La voie vaginale peut se faire sous anesthésie-générale ou à l’aide d’une anesthésie locorégionale (rachianesthésie). Dans cette technique, les organes sont remis en place et soutenus en utilisant les ligaments qui soutenaient l’utérus ou en mettant en place des prothèses de renfort vaginal. Cette chirurgie peut se faire en ambulatoire (vous rentrez à la maison le soir même). Le choix de la technique est fait selon le profil de la patiente, ses désirs et après discussions avec le chirurgien et l’anesthésiste.
Concernant les éventuels effets secondaires après chirurgie, le Pr Gamé se veut rassurant : "le taux de complications grave est inférieur à 3%. Dans le cas de la chirurgie par voie abdominale, le bénéfice est immédiat, dans le cas de la voie vaginale l’effet est un peu freiné par l’inflammation, mais c’est transitoire". Il sera cependant important de bien respecter la rééducation nécessaire et de limiter ses activités pendant un à deux mois. Voire plus si les tissus sont fragiles. En effet, des mesures hygiéno-diététiques (alimentation, sport adapté, surveillance du poids…) s’imposent parfois pour éviter que le problème ne se reproduise.
NON aux régimes, OUI à WW !
Des nouveautés dans le traitement du prolapsus ?
La haute autorité de santé (HAS) vient de réaffirmer que la chirurgie par voie abdominale (promontofixation) est le gold standard, c’est-à-dire le traitement de référence du prolapsus. Mais alors que la voie vaginale avec pose de prothèse avait connu à la fin des années 2000 un véritable engouement, elle est aujourd’hui utilisée avec précaution. "L’utilisation de prothèse est aujourd’hui de plus en plus remise en cause devant la multiplication des scandales sanitaires » explique le spécialiste. Et ajoute, « Aujourd’hui pas d’alternative claire, le problème auquel nous devons faire face c’est l’évaluation des prothèses, mais elles seront très bientôt évaluées au même titre que des médicament, ce qui augmentera la sécurité de leur utilisation".