TOC chez l'enfant : "Il est primordial de les détecter le plus tôt possible"
Les troubles obsessionnels compulsifs ne sont pas encore totalement reconnus en France. Les plus jeunes sont souvent victimes de ce manque d'information des professionnels de santé… Et des parents ! Isabelle Barrot, présidente de l'Association Française de Personnes souffrant de Troubles Obsessionnels et Compulsifs (AFTOC), dévoile à Doctissimo les difficultés de l'enfant victime de TOC et de ses proches.
Doctissimo : Les enfants sont-ils touchés par les TOC ?
Isabelle Barrot : Pratiquement un enfant par classe souffre de troubles obsessionnels compulsifs. Ils sont plus touchés que les adultes. Les TOC apparaissent généralement vers 10 à 12 ans. Ils peuvent parfois se présenter plus tôt, souvent sans être décelés par les parents. Ceux-ci ne les différencient pas des manies courantes à cet âge. De plus, le manque d'information ne facilite pas la détection des symptômes.
Comment les parents se rendent compte que leur enfant souffre de TOC ?
Souvent l'enfant a peur d'en parler. Il ne veut pas qu'on le prenne pour un fou et ne veut pas faire de la peine à son entourage. Il est plus renfermé, plus nerveux. Il va passer plus de temps dans sa chambre ou "son territoire". D'une manière générale, il va donner l'impression d'être "triste et fatigué". En fait, le comportement obsessionnel est souvent invisible pour les parents. Sauf s'il s'agit de rituels comme le lavage excessif ou la façon de marcher. Dans ce cas, les parents peuvent prendre cela pour un jeu, mais ils s'aperçoivent vite qu'il s'accompagne de colère ou de nervosité. De plus, le véritable TOC va prendre du temps à l'enfant : plus d'une heure par jour. Enfin, les résultats scolaires vont souvent révéler un TOC.
Justement, comment cela se passe à l'école ?
Souvent l'enfant va vérifier continuellement ce qu'il fait ou il aura besoin de répéter plusieurs fois ce qu'il écrit. Par exemple, ma fille se sentait obligée de recommencer ses phrases tant qu'elles ne contenaient pas deux fois de suite la même consonne. On a alors souvent des enfants intelligents qui se retrouvent en situation d'échec scolaire. Soit parce que leur TOC ne leur laisse pas le temps de tout faire, soit parce que leurs rituels du soir empiètent sur leur sommeil.
À ce propos, notre association a d'ailleurs fait évoluer la prise en compte des TOC à l'école. L'année dernière, nous avons envoyé des courriers à tous les députés de France et à toutes les académies, afin que les élèves souffrant de TOC aient droit au tiers temps. Cette mesure permet d'obtenir un tiers de temps d'examen supplémentaire en cas de problème de santé. Cela a été accordé dans la plupart des cas.
Les résultats scolaires ne sont pas les seuls problèmes liés à l'école. La peur de se salir par exemple, va également entraîner des comportements particuliers. Certains enfants, qui n'aiment pas qu'on les touche et ne veulent pas transpirer vont éviter à tout prix les cours d'éducation physique.
Est-il important de dépister tôt les troubles ?
Il est primordial de détecter les TOC le plus tôt possible. Cela va permettre d'éviter ou de limiter les problèmes associés : échec scolaire, difficultés relationnelles, perte des amis… Le rôle des parents est essentiel : l'enfant se rend moins compte que l'adulte du côté absurde de sa manie.
Quels sont les traitements ?
Ce sont les mêmes que chez l'adulte. Il s'agit d'une thérapie comportementale et cognitive associée à la prise de médicaments spécifiques. Depuis peu, un composé destiné spécialement aux enfant est disponible.
Ces traitements sont efficaces. Si vous prenez par exemple un enfant qui passe 4 heures par jour de rituels liés à ses TOC, l'association thérapie comportementale et cognitive et médicaments les fera disparaître. Certes, il faut être patient au départ. L'amélioration n'est visible qu'au bout de 4 à 6 semaines. Après le traitement, les enfants restent néanmoins plus sensibles que les autres.
En ce qui concerne les causes du TOC, peut-on rassurer les parents quant à leur responsabilité ?
Oui. Les TOC ne sont absolument pas liés à une mauvaise éducation, que ce soit de parents trop laxistes ou au contraire trop rigides. Les causes sont encore incertaines, mais des facteurs génétiques sont actuellement à l'étude. Pourtant, certains psychiatres ne connaissent pas le problème et font culpabiliser les mères et les pères. De manière générale, il y a un manque d'information des professionnels de santé. On entend encore de nombreuses affirmations erronées.
Quel est le rôle de votre association auprès de parents d'enfants victimes de TOC ?
Nous essayons de rétablir un climat harmonieux au sein de la famille : car souvent l'enfant souffrant de TOC est ressenti comme un "tyran" par ses parents ou ses frères et soeurs. Il faut alors leur expliquer que l'enfant n'est pas responsable et que c'est la maladie qui doit être combattue. Nous leur précisons qu'ils ne doivent surtout pas aider l'enfant à réaliser ses manies. Dans certains cas, les enfants ne peuvent pas être solarisés. Nous le orientons alors vers des organismes de cours par correspondance. Actuellement, nous avons plus de 80 enfants victimes de TOC au sein de notre association.