Retrouver un mot qui nous reste sur le bout de la langue
Rien de plus agaçant qu'un mot qui reste accroché sur le bout de la langue. Il est là tout près dans un coin de notre tête et pourtant il ne sort pas. Nous nous souvenons de sa signification, de sa forme générale et même parfois de termes qui lui ressemblent. Et pourtant, rien ne vient. Des psychologues américains apportent aujourd'hui une explication à ce curieux phénomène. Pour se prémunir de ces trous de mémoires, il apparaît que, comme la forme, la parole s'entretient grâce à un peu d'exercice.
Il n'est guère agréable de ne pouvoir prononcer un mot connu et ce tout particulièrement lorsque cela se produit au cours d'une conversation animée ou pendant une réunion de travail. Frustrant et même gênant ! C'est pourquoi, les termes perdus au sein de notre mémoire intéressent au plus haut point psychologues et linguistes. Les scientifiques considèrent habituellement que ce blocage résulterait d'un défaut de transmission entre les zones intellectuelles du cerveau évoquant l'idée du mot et celles qui sont chargées plus prosaïquement d'en retrouver la forme.
Retrouver les bonnes transmissions
Deux psychologues américains, Lori E. James de l'université de Californie de Los Angeles et Deborah M. Burke du College Pomona viennent de confirmer ce mécanisme à partir de deux expériences. La première comptait 72 volontaires, se composant pour moitié d'étudiants et pour le reste de personnes âgées alors que la seconde comportait 36 participants d'âge variable*.
Effectivement, des problèmes de transmission semblent être à l'origine des mots refoulés au plus profond de notre cerveau. Et, contrairement à ce que les spécialistes pensaient jusqu'ici, énoncer des mots proches - par leur structure - du terme manquant, permet de diminuer l'intensité du phénomène en réactivant le réseau des connexions cérébrales.
Chez les Anglo-saxons, le mot "abdicate" (abdiquer en français) semble être parmi les mots ayant le plus tendance à rester sur le bout de la langue. Ainsi, les chercheurs ont posé la question : "quel terme signifie renoncer au trône ?" à trois groupes de volontaires :
- Le premier ne bénéficiait d'aucune préparation. Les personnes trouvèrent avec plus ou moins de succès la réponse.
- Au second groupe, on avait fait lire une liste de mots présentant une similitude de son avec abdiquer, comme abstrait ; ce qui entraîna un nombre de réponses plus important.
- Enfin, le troisième devait lire des mots sans aucune relation avec la réponse. Les personnes éprouvèrent ainsi plus de mal à répondre brillamment.
Bien dans son corps, bien dans sa tête !
Lisez et faites des mots croisés
La seconde expérience a aussi révélé que lorsque les participants ne pouvaient plus exprimer spontanément un mot, la prononciation de termes apparentés les aidait à le retrouver. Ce qui pourrait expliquer pourquoi un mot perdu nous revient brutalement en mémoire. Au hasard d'une conversation ou d'une lecture, après avoir regardé la télévision, nous aurions rencontré un autre terme évoquant sa structure. Pour nous prémunir contre les mots manquants, il nous reste donc à enrichir notre vocabulaire car on oublie davantage les termes peu usités que ceux manipulés chaque jour. Rien de tel qu'une vie sociale active, la lecture et les mots-croisés pour contribuer à maintenir notre cerveau en alerte et nous permettre de communiquer avec aisance avec les autres.
Une conclusion qui s'impose tout particulièrement chez les plus âgés d'entre nous, chez lesquels la langue tend plus volontiers à manquer. Pour vieillir en restant jeune, vive donc la gym-cerveau !
*Journal of experimental psychology-learning, memory, and cognition, November 2000 ; vol. 26, n° 6 : 1378-1391