Coronavirus : faut-il éviter les plantes et huiles essentielles anti-inflammatoires ?
Afin de limiter les risques liés à l’épidémie de coronavirus COVID 19, les autorités insistent sur l’interdiction d’automédication aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) en cas de fièvre, auxquels il faut préférer le paracétamol. Pourquoi cette interdiction ? Les plantes et huiles essentielles dite “anti-inflammatoires” sont-elles également à proscrire en période épidémique ? Réponses et recommandations de la Dr Laure Martinat.
La phytothérapie et l’aromathérapie ont le vent en poupe, d’autant que de nombreux scientifiques ont pu mettre en évidence les fait que les plantes renferment bien ce que l’on appelle des "principes actifs". Mais qui dit "principe actif" dit à la fois effets attendus et bénéfiques mais aussi effets indésirables et toxiques. Et en effet, ce n’est pas parce que les plantes sont griffées de l’étiquette "naturel", qu’elles ne peuvent pas parfois devenir dangereuses pour un public non averti. Les médecins gastro-entérologues le savent bien : ils expérimentent chaque année des cas d’hépatites aiguës graves liées à l’ingestion de plantes et champignons.
Covid 19 : un traitement symptomatique
L’épidémie actuelle liée au coronavirus de type Covid 19 nous rappelle que nous n’avons pas à notre disposition de médicaments pour traiter toutes les infections. Actuellement, il n’existe pas de traitement spécifique contre le Covid 19, autre que symptomatique. Il n’existe donc pas de médicament pour tuer directement le virus comme le fait, par exemple, un antibiotique sur une bactérie. En l’état actuel, on ne peut qu’aider l’organisme à "passer le cap", par exemple en apportant de l’oxygène à haute dose lorsque les poumons sont trop abîmés pour assurer une bonne oxygénation ou en soutenant le bon fonctionnement du système immunitaire qui reste notre moyen principal de défense.
Attention aux médicaments anti-inflammatoires (AINS)
C’est pour cette raison que les autorités de santé insistent sur l’interdiction d’automédication aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS). En effet, en cas de fièvre, on se tourne généralement vers les médicaments dits antipyrétiques qui font baisser la fièvre : le paracétamol et les AINS comme l’ibuprofène ou l’aspirine. Or les AINS ont, comme leur nom l’indique, des propriétés anti-inflammatoires qui s’expliquent par le fait qu’ils inhibent une enzyme, la cyclo-oxygénase, qui produit normalement des prostaglandines intervenant dans les phénomènes de l’inflammation. L’inflammation est un mécanisme de défense normal de l’organisme : c’est une des armes de notre système immunitaire. Rappelons-le, le système immunitaire est "notre armée intérieure" : c’est lui qui nous défend contre les infections. Prendre des AINS revient donc à inhiber en partie le bon fonctionnement du système immunitaire. C’est comme si vous aviez une armée prête à combattre mais déjà fatiguée et sans armes…
Dans le cas du combat contre l’épidémie de COVID 19, interdire les AINS est donc fondamental mais saviez-vous que certaines plantes ont des principes actifs dont l’action est apparentée au fonctionnement des AINS ? Ces plantes sont donc tout aussi interdites.
Les plantes anti-inflammatoires interdites pendant l’épidémie
La reine des prés et le saule blanc
En phytothérapie, la reine des près, Filipendula ulmaria et le saule blanc, Salix alba sont deux plantes qui ont été aux origines de la synthèse de l’Aspirine, aussi appelé acide acétylsalicylique. Elles renferment toutes les deux des dérivés salicylés ce qui leur donne leurs propriétés antalgiques, anti-inflammatoires et antipyrétiques.
Elles sont donc INTERDITES car elles exposent aux mêmes risques d’aggravation de la maladie que les molécules chimiques.
Les autres plantes qui contiennent des dérivés salicylés sont : le bouleau jaune, le bouleau verruqueux, le bouleau pubescent, le quinquina.
Une alternative sûre pour renforcer vos défenses immunitaires ? Le sureau, Sambucus nigra dont les fleurs renferment des vertus très intéressantes en cas d’infection virale : elles favorisent la transpiration par leur effet diaphorétique qui pourra aider à faire baisser la fièvre. Elles favorisent aussi la fluidification des sécrétions bronchiques et renforcent notre système immunitaire.
Préparer une infusion de fleurs de sureau
Préparez une infusion de fleurs séchées (5g pour 200ml d’eau à laisser infuser 10 minutes avant de filtrer), à boire deux à trois fois par jour le temps de la durée des symptômes.
Le curcuma
Attention aussi à certaines plantes qu’on prend sous forme de cure pour tout autre symptôme et auxquelles on ne pense pas ! C’est le cas du curcuma très utilisé sous forme de compléments alimentaires en cas de douleurs articulaires. In vitro, les effets anti-inflammatoires du curcuma et notamment des curcuminoïdes qu’il contient sont apparentés à ceux de l’aspirine puisqu’ils inhibent la même enzyme : la fameuse cyclo-oxygénase. En conséquence, le curcuma sous forme de compléments alimentaires est à proscrire par temps d’épidémie de COVID 19. Par contre, pas d’inquiétude concernant le curcuma dans la cuisine, la biodisponibilité de la curcumine par voie orale issue de la poudre de curcuma est très faible, il n’y a donc pas de risque à continuer à l’utiliser dans vos recettes.
A noter que d’autres plantes ont des effets anti-inflammatoires similaires au curcuma : la cannelle, le clou de girofle et le gingembre. Encore une fois, pas de risque si vous les utilisez en cuisine de temps en temps, ils sont cependant à éviter sous forme de compléments alimentaires.
Les huiles essentielles à éviter pendant l’épidémie
L’huile essentielle de gaulthérie
Concernant les huiles essentielles (HE), même combat, même s’il est parfois plus difficile de trancher. En effet, pour certaines HE, c’est facile : celles qui renferment une grande quantité de salicylate de méthyle, un composé qui est transformé en acide salicylique, le précurseur de l’acide acétylsalicylique et donc de l’aspirine (d’où leurs effets anti-inflammatoires puissants et leur utilisation large en cas de douleurs rhumatismales, ostéoarticulaires, musculaires), sont interdites. Il s’agit des HE de gaulthérie couchée, Gaultheria procumbens, de gaulthérie odorante, Gaultheria fragrantissima et de bouleau jaune, Betula alleghaniensis.
Les autres huiles essentielles à éviter durant l’épidémie
Pour d’autres, c’est plus compliqué : rappelons que les huiles essentielles sont très riches en composés différents, certaines allient à la fois des composés anti-inflammatoires et anti-infectieux. C’est le cas par exemple du delta-germacrène, un sesquiterpène présent dans l’HE d’ylang-ylang et de mélisse : Il allie à la fois des vertus anti-inflammatoires et antimicrobiennes. D’ailleurs, une étude in vitro publiée en 2016 par Gholamhosein Pourghanbari dans la revue Virus Disease a testé les effets de l’HE de mélisse sur le virus de la grippe aviaire (un virus à ARN enveloppé comme les coronavirus). Cette étude a montré que l’HE de mélisse inhibait la réplication virale, mais également qu’il existait une action synergique entre l’HE de mélisse et l’oseltamivir, que vous connaissez probablement sous le nom de Tamiflu®, le traitement antiviral médicamenteux de la grippe.
Toutefois, les effets anti-inflammatoires des HE ne dépendent pas tous de voies apparentées aux effets de l’aspirine. Mais comme le principe de précaution prévaut, pendant cette période d’épidémie, il semble plus favorable d’éviter autant que possible toutes ces HE ayant un effet anti-inflammatoire, surtout sur une durée prolongée et chez les personnes fragiles.
Parmi les composés aux propriétés anti-inflammatoires on retrouve :
- Le delta-germacrène : mélisse, ylang-ylang, sauge sclarée, gingembre ;
- Le bêta-cayophyllène : hélichryse de Madagascar, ylang-ylang, cade, patchouli, thym à feuilles de sarriette, poivre noir, achillée millefeuille, sapin blanc ;
- Le chamazulène : tanaisie annuelle, camomille matricaire, achillée millefeuille ;
- L’acétate de linalyle : lavande, lavandin, bergamote, petitgrain bigarade, sauge sclarée ;
- Le citronellal : eucalyptus citronné, citronnelle de Java ;
- Les citrals : lemongrass, mélisse, verveine exotique, verveine odorante, myrte citronné.
Cette liste n’est pas exhaustive et les HE citées ne se limitent évidemment pas à ces vertus anti-inflammatoires du fait, comme nous l’avons vu, de leur grande diversité de composés chimiques. Pour prendre un dernier exemple, l’HE de clou de girofle a des vertus anti-inflammatoires mais c’est aussi une puissante anti-infectieuse, dont on devra, malheureusement se passer tant que dure l’épidémie de coronavirus COVID 19.
Ce que l’on peut retenir : la règle à suivre est de toujours vous renseigner avant d’utiliser des huiles essentielles et des plantes médicinales. Une règle finalement valable dans tous les cas et pas seulement en cas d’épidémie à Covid19.
Durant l’épidémie, éviter autant que possible les huiles essentielles aux composés anti-inflammatoires.