L'infidélité au féminin : une pratique qui se démocratise
Les femmes aussi revendiquent le doit à l’aventure extra-conjugale. À l’origine de ce mouvement jusqu’ici majoritairement masculin : leur émancipation, tant sur le plan sociétal que sexuel. Zoom sur les nouveaux visages de l’infidélité, bouleversant certaines idées reçues.
Jusqu’il y a peu caractéristique des hommes, l’infidélité gagne du terrain chez les femmes. Selon un sondage Ipsos/Gleeden de juin 20141, plus de 17 % des Français avouent avoir été infidèles dès les premiers mois de leur relation. Peur de l’engagement ou besoin de comparer ? Les femmes semblent prendre ce temps de réflexion, avec des extras. En revanche, une fois ce cap passé, elles resteraient fidèles, pour à nouveau sauter le pas de l’infidélité majoritairement après la 5ème année, pour 63 % d’entre elles.
Au final, en 2019, elles étaient plus d’une sur trois (37%) à admettre avoir déjà fait l’amour avec une autre personne que celle avec laquelle elles étaient en couple - contre 10% en 19703.
Nous avons demandé au psychiatre Christophe Fauré, son avis sur la question.
Infidélité féminine : un bouleversement sociétal
Hymne à la masturbation, boom de la littérature érotique, corners dédiés au plaisir… La sexualité des femmes connaît un bouleversement sans précédent. Un mouvement qui débute avec la légalisation de la contraception et la désacralisation du mariage, où offrir sa virginité à l'élu était de mise. Un vent de liberté souffle sur le désir au féminin.
Ainsi, l'évolution des mœurs bouleverse nos plans sous la couette avec pour conséquences, entre autres, le droit à l'aventure extraconjugale pour tous. Si le Dr Christophe Fauré se défend d’émettre un avis sociétal, "force est de constater néanmoins la révolution en cours" avoue-t-il. Selon lui, une des causes fondamentales de cet élan extra-conjugal pourrait bien être selon lui le facteur économique : "Auparavant, si les femmes se « tenaient » à carreaux en quelque sorte, c’est aussi parce qu’elles n’avaient pas d’autonomie financière. Un coup de canif dans le contrat pouvait avoir des conséquences tragiques".
À ce précieux pouvoir financier dont elles disposent maintenant, s’ajoute un autre facteur et non des moindres, à savoir de nouvelles opportunités. "De nombreuses relations extra-conjugales ont lieu avec des partenaires professionnels" rappelle le Dr Fauré.
Des opportunités décuplées par les nombreux sites de rencontres, dont Gleeden, dédié aux rencontres extra conjugales et pensé par des femmes, qui affichent haut la couleur. "Le site Gleeden est dédié aux femmes mariées" annonce Ravy Truchot, le co-fondateur. Elles ne paient pas, et peuvent noter les hommes (ce qui oblige ces derniers à respecter certains codes de conduite). C'est donc une opportunité pour elles de rejoindre facilement et librement le clan des "Infidèles", un territoire jusqu'ici réservé aux mâles !
Une pratique encore taboue ?
Pourtant, la psychothérapeute belge Isabelle Tilmant, auteur de L'infidélité au féminin le reconnaît, "L'infidélité au féminin reste toujours tabou". Sans doute en partie à cause d'une idéalisation de la mère, dont la fidélité garantit la paternité des enfants à son compagnon. Par ailleurs, certaines idées reçues ont la vie dure. Chasseur par nature et soumis à la mécanique de son anatomie, l'homme serait quasi fatalement infidèle. La femme, elle, resterait la gardienne du foyer. Toutefois,
Le droit au mari… et à l’amant
Il semblerait que certains paradigmes, dans le champ sexuel, connaissent certains revers. À la danseuse de ces messieurs, succèderait aujourd’hui l’amant de ses dames ! "En cause le désir de séduire et de jouir de la dimension sexuelle, sans forcément les implications d’une rupture" explique le Dr Fauré. Autre fait notable, l’infidélité ne s’inscrit en effet pas forcément dans un désir de changer de situation conjugale. "Il peut aller de pair avec l’énoncé d’un amour qui persiste avec son compagnon" ajoute le psychiatre. Une attitude qui, il faut bien l’avouer, était essentiellement masculine.
Aujourd’hui, tout en restant attachée à une cellule familiale qui fonctionne bien, les femmes s’accordent le droit d’une alternative, d’un regard et d’un toucher autre, au nom sans doute d’un accomplissement plus personnel, sur le registre de la sexualité et du plaisir.
Selon une enquête Gleeden2, 48 % déclarent qu’elles apprécient la stabilité apportée par leur mari, et 44 % souhaitent que leur amant soit plus aventureux. En jeu sans doute, la recherche de nouvelles expériences sans la remis en cause du lien officiel. "Qu’on ne s’y trompe pas ! Il y a également un besoin de réassurance, de son pouvoir de séduction" module le Dr Faure.
Les motivations du passage à l'acte
L'infidélité féminine guidée par le désir romantique et l'exaltation des coeurs
Eternelle romantique, la femme peut s'inscrire en amont dans une infidélité "rêvée", précise Isabelle Tilmant. Leur attrait pour les romances cinématographiques ou littéraires, en dit long sur cette part de leur psyché. En quête d'un regard désirant, elles peuvent se mettre à rêver de cette intensité du début de relation…
Leur choix peut se poser sur un collègue de bureau, un proche, ou toute autre personne fleurant bon l'aventure… "En général, la rêverie précède le passage à l'acte" ajoute notre expert. Ce n'est pas tant par goût du risque que par besoin d'exaltation du cœur. Le besoin d'aimer chevillé au corps, elle s'offre physiquement à l'étreinte adultère au nom de l'amour !
La pulsion sexuelle
"Il est expéditif, il ne prend plus le temps de me faire vibrer, se plaignent les femmes en consultation", rapporte Isabelle Tilmant. En clair, du point de vue charnel, sous la couette, la relation est insatisfaisante, alors que partout ailleurs, le plaisir des femmes semble exploser, libérant leurs fantasmes. Aujourd'hui plus qu'hier, c'est indéniable, quand une femme ne se sent plus suffisamment regardée, désirée, valorisée, elle va être extrêmement sensible au regard extérieur. Une sensation de frustration peut la pousser à un moment de sa vie à explorer les délices d'une aventure extraconjugale.
Si au départ, le désir de toucher et d'être touchée motive son besoin d'aller voir ailleurs, il est possible que la relation amant/amante se transforme. Là où un homme infidèle va avoir tendance à cliver les deux espaces, une femme inversement peut tout naturellement s'investir davantage… et tomber amoureuse !
Le démon de midi, version féminin
Les quinquas se libèrent. "Leurs enfants ont grandi, ils ont moins besoin de leurs soins attentifs, et tout d'un coup, elles ont eu l'impression d'avoir mis leurs sexualité de côté… et se réveillent" décode la psychothérapeute. Le discours ambiant, et la mode des soirées vibro entre femmes ouvre la porte à une sexualité qu'elles n'ont peut-être jamais connue.
Bien décidées à ne pas passer à côté d'orgasmes tonitruants, elles peuvent solliciter en premier lieu leur partenaire. Si ce dernier ne répond pas à leurs avances, elles ne culpabilisent plus à partir en quête d'un amant idoine.
L’infidélité : symptôme de dysfonctionnement
Il n’y a plus de "fatalité" à rester ensemble. "L’infidélité est rarement volontaire et provoquée, elle survient, et la possibilité d’une rencontre est là" précise le Dr Faure. Elle répond en écho à un réel décrochement en termes de désinvestissement du couple. Dans ce cas, la relation extra-conjugale agit comme un levier pour enclencher la rupture.
La rencontre crée alors un effet de contraste révélant de façon évidente, un couple en fin de course. "L’amant peut être juste un passeur, un prétexte pour la rupture" décode notre expert. Dans ce cas, beaucoup moins de précautions sont prises : tout va contribuer à la révélation du "forfait". Parfois aussi, la relation extra-conjugale peut être une opportunité de travail pour le couple. L’infidélité génère alors un état de crise qui peut aboutir à une reconstruction.
Le point de vue de l'Ifop
D'après une étude Ifop pour Gleeden.com réalisée par questionnaire auto-administré en ligne du 11 au 15 avril 2019 auprès d’un échantillon de 5 026 femmes, les femmes ayant eu des relations extra-conjugales sont plutôt :
- Des femmes ayant un indice de masse corporelle inférieur à la normale, se trouvant « très jolie » ou s’estimant plus belle que leur conjoint ;
- Des femmes insatisfaites de leur vie sentimentale et de leur vie sexuelle ;
- Des femmes diplômées ou appartement à une CSP+ ;
- Des femmes vivant dans les centres-villes des grandes agglomérations ;
- Des femmes ayant une charge mentale élevée.
Toujours selon ce sondage, "une Française sur deux (52%) explique sa dernière incartade par son attirance physique ou sexuelle pour la personne avec laquelle elle a couché, signe que l’infidélité féminine ne constitue pas uniquement une réponse à des problèmes au sein de couple".
De nouveaux codes identitaires et sexuels
"On pourrait évoquer un Don Juanisme au féminin" s’aventure le Dr Fauré. Indéniablement, il y a une véritable réappropriation du désir par la femme. Le carcan de l’épouse et mère a bel et bien sauté. L’exploration des sens et le désir de jouissance sont plus présents. En cause également, l’aiguillon de l’accomplissement personnel, slogan cher au XXIème siècle, qui donne une autorisation à sauter le pas. Un pas d’autant plus facile à franchir dans notre société de zapping qui met à rude épreuve les engagements. "Il y a un véritable manque de détermination à préserver ce qui a été construit" observe le Dr Faure.
On peut y voir essentiellement un profond changement des représentations, entre élargissement des attentes et le refus plus global d’une dimension identitaire trop réduite, révolutionnant de fait les codes sexuels et avec eux, la notion d’infidélité.
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