Pour la présidente de SOS autisme France, le gouvernement "sacrifie une génération"
Le 6 avril 2018, le gouvernement annonçait la mise en place d’une stratégie pour l’autisme axée sur 5 points importants afin d’aider l’inclusion des personnes atteintes. Un an après, le Ministère de la santé dresse le bilan déjà critiqué par les associations qui déplorent une avancée et des moyens pauvres. Olivia Cattan, notamment, la présidente de l’association SOS Autisme France nous révèle ses principales réserves.
Amélioration du diagnostic précoce, aide économique aux soins, soutien aux familles...Un an après la mise en place de la stratégie pour améliorer la qualité de vie des personnes souffrant d’autisme, le gouvernement dresse son bilan, mais pour vous qu’est-ce qui a vraiment changé ?
Olivia Cattan, présidente de SOS Autisme France : Sur le terrain absolument rien. On nous avait déjà parlé de favoriser l’accompagnement avec les médecins, par exemple, mais le problème c’est qu’un "autismologue", ça n’existe pas ! Il n’y a pas de véritable spécialiste de l’autisme, alors on va chez un médecin généraliste qui nous conseille d’aller voir un psychiatre et c’est tout. C’est bien, mais ça n’aide pas vraiment. Ce qu’on voudrait en tant que parents c’est un vrai accompagnement, un parcours de soin adapté à notre enfant tout au long de sa vie. Au fur et à mesure des années, les troubles et les besoins du patient évoluent. Il n’a pas simplement besoin d’une aide psychologique, d’autres troubles se déclarent pour lesquels les familles ne savent pas quoi faire elles sont perdues.
Et la plateforme d’écoute Autisme Info Service cofinancée par le gouvernement ?
C’était une bonne idée à la base, on était vraiment content quand on en a entendu parlé. Sauf que les parents sont redirigés vers des thérapeutes qui sont déjà très pris. En moyenne, le diagnostic aujourd'hui peut prendre 2 à 4 ans. Alors les familles se redirigent vers des thérapeutes en libéral sauf que le tarif est très élevé et tout le monde n’a pas forcément les moyens. En ce qui concerne les autres méthodes thérapeutiques, je déplore le manque de contrôle des professionnels qui peuvent s’inscrire sur l’annuaire de la plateforme. Il y a de vrais charlatans, comme des hypnothérapeutes qui vous proposent de guérir votre enfant en 3 ou 4 séances seulement si vous payez 300 euros pour chacune d’entre-elles. Déjà quand on utilise le mot "guérir" pour un enfant autiste ça devrait mettre la puce à l’oreille. J’en appelle vraiment au Ministère de la santé qui doit prendre ses responsabilités et reconnaître l’autisme comme un problème de santé publique. Il faut mettre en place des contrôles et des tests pour chaque professionnel de santé qui souhaite s’inscrire. L’idée de mettre des parents à l’écoute des autres parents est également une mauvaise idée selon moi, car nous sommes trop dans l’affecte, on n’a pas assez de recul. Savoir écouter les autres c’est un vrai métier.
En ce qui concerne l’inclusion des autistes en France où en est-on depuis un an ?
Là encore, il n’y a rien de vraiment concret. Le gouvernement s’est basé sur le modèle italien et en a seulement pris les grandes lignes sans mettre en place le côté pratique du système. Le plus gros des aides et la stratégie pour améliorer le diagnostic concerne les enfants de 0 à 6 ans. C’est bien beau de vouloir prévenir la maladie mais qu’est-ce qu’on fait de ceux qui existent déjà ? Ceux qui sont déjà vieux ? C’est une génération complètement sacrifiée. Dans les écoles, on jette encore les enfants dans des classes de 30 élèves avec des professeurs et des auxiliaires de vie non formés. Quand ils sont adultes, on parle d’une aide à l’insertion professionnelle, mais aujourd'hui seulement 1 à 2% des autistes sont employés. 98% d’entre-eux ne travaillent pas, parce qu’ils n’ont pas pu aller à l’école, entre autre. J’ai déjà vu des patrons d’entreprise me dire qu’ils préfèrent embaucher quelqu'un en fauteuil plutôt qu’un autiste parce que eux savent travailler. Ce qu’il faut avant tout pour favoriser réellement l’inclusion des personnes autistes adultes c’est mettre en place une filière d’apprentissage. Ça, le gouvernement nous en avait parlé mais ça n’est jamais arrivé.