Cancer de la prostate avancé : vers un nouveau standard de traitement
L'ajout d'un nouveau médicament antihormonal au traitement standard contre le cancer avancé de la prostate a réduit jusqu'à 38% le risque de décès des patients. Ces résultats présentés lors du congrès de l’ASCO 2017 devraient changer la prise en charge de ces cancers redoutables.
Le traitement du cancer de la prostate a connu peu de changements depuis près de 70 ans, mais en l’espace de deux ans, deux avancées ont changé la prise en charge des formes métastatiques
Le traitement actuel du cancer de la prostate
Le cancer de la prostate touche 55 000 hommes chaque année en France. L’évolution de ce cancer est le plus souvent très lente, au point que la décision de traiter dépend de l’âge du patient1.
- Pour les formes localisées (cancer peu avancé), le traitement est local et repose sur la curiethérapie, la radiothérapie ou la chirurgie, voire une simple surveillance active, qui permet régulièrement d’éviter un traitement inutile pour un cancer indolent. A l’inverse pour les formes les plus agressives, on associe une hormonothérapie au traitement local par la radiothérapie. L’hormonothérapie va empêcher l’action stimulante de la testostérone sur la tumeur.
- Pour les formes d’emblée métastatiques (dont le cancer s’est propagé à d’autres organes), qui concerne 3 à 5 % des cancers de la prostate diagnostiqués en Europe mais jusqu’à 60 % en Inde ou en Chine), le nouveau standard de prise en charge est de proposer une chimiothérapie d’emblée, en plus du traitement par hormonothérapie, depuis 2015 et une présentation lors du congrès de l’ASCO 20151 que nous commentait à l'époque le Dr. Karim Fizazi, chef du service de cancérologie à l'Institut Gustave Roussy à Paris.
Mais deux nouvelles études présentées lors du congrès de l’ASCO 2017 devraient encore faire avancer la prise en charge de ces cancers avec l’utilisation d’une hormonothérapie de deuxième génération l’acétate d’abiratérone.
Cancers métastatiques d’emblée : l’acétate d’abiratérone change la donne
L’acétate d’abiratérone (Zytiga ® commercialisée par les laboratoires Janssen).est transformé in vivo en abiratérone qui va inhiber l’activité de l'enzyme 17α-hydroxylase/C17,20-lyase (CYP17). Cette enzyme est exprimée et nécessaire lors de la biosynthèse des androgènes au niveau des testicules, des glandes surrénales et des tissus tumoraux prostatiques. Cette molécule combine ainsi une action extratumorale et intratumoral2. Ce médicament est actuellement utilisé lorsque le cancer de la prostate échappe à l’hormonothérapie standard et peut se propager aux os, provoquant des douleurs et des fractures. Le médicament est associée à la prednisone (dont le rôle est d'éviter les effets tensionnels et métaboliques).
Combinée à la prédnisone et à la thérapie anti-hormonale de référence pour les hommes venant d'être diagnostiqués d'une tumeur cancéreuse de la prostate ayant fait des métastases, cette nouvelle combinaison permet de retarder de 18 mois la progression du cancer (de 14,8 à 33 mois), selon l’étude de phase 3 dite LATITUDE, menée par le Dr Karim Fizazi. L'essai a été mené avec 1.200 patients dans 34 pays de février 2013 à décembre 2014. Après un suivi de 30 mois, l'étude LATITUDE témoigne également d’une baisse du risque de décéder de 38 %. La médiane de survie (délai à partir duquel la moitié des patients sont décédés) n’est toujours pas atteinte dans le groupe traité par cette nouvelle association. Le gain de survie pourrait donc être encore plus grand3.
L’autre essai clinique (STAMPEDE), dirigé par le Dr Nicholas James, professeur de cancérologie clinique à l'hôpital Queen Elisabeth à Birmingham a porté sur 2 000 hommes atteints de cancers de la prostate d’emblée métastatique ou de cancers de la prostate localement avancés. Un suivi indique après 40 mois une réduction du risque de mortalité de 37%. Après trois ans de traitement, 83 % des hommes ayant bénéficié de l’abiratérone étaient en vie, contre 76 % qui ont suivi le traitement standard et seulement 45 % étaient en rechute contre 75 % pour le traitement standard4. "Le Zytiga non seulement prolonge la vie, mais réduit aussi le risque de rechute de 70% et celui de complications osseuse de 50%", souligne le professeur James. Des résultats à 3 ans mis en évidence dans l'illustration ci-dessous.
Moins d’effets secondaires avec l’abiratérone qu’avec une chimiothérapie
L’acétate d’abiratérone est généralement bien toléré avec peu d'effets secondaires mais qui peuvent être sévères comme l'hypertension artérielle, de faible taux de potassium et des anomalies enzymatiques du foie.
"Nous devons être prudent en utilisant l'abiratérone chez certains hommes avec un risque accru de problème cardiaque. En cas d’insuffisance cardiaque sévère, il est plus prudent de régler le problème cardiaque avant d’envisager un traitement associant l’hormonothérapie standard à l’abiratérone ou une chimiothérapie", a mis en garde le Dr Fizazi.
Pour la majorité des patients atteints de cancers métastatiques d’emblée, le Dr Fizazi juge que l’abiratérone doit devenir le nouveau standard de traitement : "Le bénéfice de l'utilisation précoce de l'abiratérone observé dans cette étude est au moins comparable au bénéfice de la chimiothérapie au docétaxel (même s’il est difficile de comparer deux études), mais l'abiratérone semble beaucoup plus facile à tolérer, et de nombreux patients ne signalent aucun effet secondaire".
De plus amples recherches sont nécessaires pour savoir si ces deux traitements (chimiothérapie + abiratérone) peuvent être combinés, sachant que leurs modes d’action sont différents ou si certains patients tireraient plus de bénéfices d’une des deux options thérapeutiques. Pour l’instant, on ne peut pas répondre à cette question mais les études se poursuivent notamment à travers les analyses moléculaires des échantillons de tissus recueillis de l’étude anglaise pour voir si un sous-groupe de patients bénéficiera davantage de l'addition de docétaxel ou d'abiratérone.