Cancer : que peut-on attendre de l’arrivée des biosimilaires ?
Lors du congrès de l’ASCO 2018, les biosimilaires de thérapies ciblées face au cancer confirment leur efficacité. Une étude portant sur 48 semaines montre l’équivalence du MYL-1401O avec l’Herceptine ®. Ce médicament qui a bouleversé le traitement des femmes atteintes d’un cancer du sein dit HER2+ il y a plus de dix ans, va-t-il être remplacé par son "équivalent" moins cher ? Pas si sûr…
L’Herceptine a révolutionné le traitement des cancers HER2+
Le cancer du sein est le cancer le plus courant chez la femme dans le monde. 15 à 25 % de ces cancers sont dits HER2-positif, car des quantités accrues du récepteur 2 du facteur de croissance épidermique humain (HER2) sont présentes à la surface des cellules cancéreuses. Ces tumeurs sont des formes particulièrement agressives. Mais depuis la fin des années 1990, un traitement ciblé le trastuzumab (Herceptin®) a révolutionné leur pronostic. Indiqué face aux cancers très avancés (sa première indication), il a permis de gagner 5 à 8 mois de vie1. Et lorsqu’il est administré à des stades précoces après une chimiothérapie, il réduit les risques de récidives de plus de 10 % et permet donc de guérir plus de patientes (+ 9% en survie globale)2,3.
Depuis 2016, des études portant sur des médicaments biosimilaires au trastuzumab avancent des résultats comparatifs.
Une même efficacité du biosimilaire pour les formes métastasées
Présentée lors du congrès de l'ASCO 2016 puis publiée dans le JAMA en 2017, une étude internationale a inclus 500 femmes atteintes d’un cancer du sein métastatique HER2+ (étude de phase III randomisé réalisée dans 95 sites répartis en Asie, Amérique latine, Afrique et Europe). Toutes ont reçu un traitement avec une chimiothérapie (taxane) à laquelle était associé soit du trastuzumab soit le biosimilaire MYL-1401O. Les femmes ont reçu ce traitement pendant au moins huit cycles, suivis par du trastuzumab seul jusqu'à progression de la maladie.
Après 24 semaines de traitement, le biosimilaire MYL-1401O présente une efficacité et une sécurité équivalentes au trastuzumab. Il ne déclenche pas de réponse immunitaire (ce qui avait été craint avec certains biosimilaires). L'effet sur la tumeur (taux de réponse objective à 24 semaines) étaient de 69,6 % avec MYL-1401O contre 64 % avec le trastuzumab. La fréquence des effets secondaires graves ont été 36,1 % dans le groupe trastuzumab et 38,2 % dans le MYL-1401O groupe. Les auteurs déclaraient espérer que de nouveaux essais pourront demain évaluer l'utilisation d'autres biosimilaires, ou d’associations de biosimilaires, afin d'améliorer l’accès de ces traitements à travers le monde.
La sécurité à long terme de ces médicaments reste cependant à préciser. Lors de l'ASCO 2018, le suivi de cette même étude après 48 semaines de traitement confirme une efficacité, une sécurité et une toxicité comparable entre le biosimilaire et l'Herceptine.
Vers une autorisation de mise sur le marché avec quelles indications ?
Les chercheurs ont déjà fourni des données montrant la similarité des caractéristiques physicochimiques et biologiques du MYL-1401O avec le trastuzumab. Ces analyses font partie des demandes des autorités sanitaires pour valider la commercialisation d’un biosimilaire. Car comme le rappelle l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), pour être autorisé sur le marché, un médicament biosimilaire "doit avoir des propriétés physico-chimiques et biologiques similaires, la même substance pharmaceutique et la même forme pharmaceutique que le médicament de référence. Enfin, l’efficacité et la sécurité doivent être équivalentes au médicament de référence". Une telle démonstration nécessite ainsi de nouveaux essais précliniques et cliniques. Mais au-delà de l’indication liée aux cancers du sein métastatiques HER2+, les fabricants de ce biosimilaire envisagent très certainement d’étendre l’indication de leur produit aux stades précoces de la maladie (qui recouvrent un bien plus grand nombre de patientes).
Cet essai concernant les cancers avancés suffira-t-il aux autorités américaines et européennes pour se prononcer dans une autre indication ? La question ne semble pas aisée… Sur le site de l’ANSM, on peut lire "lorsque le produit de référence déjà commercialisé est associé à plusieurs indications thérapeutiques, il est nécessaire de strictement justifier l'efficacité et la sécurité du produit biosimilaire pour toutes les indications et les mécanismes d’action impliqués. Il est parfois demandé de démontrer une efficacité séparément pour chacune des indications revendiquées. Dans certains cas, l’extrapolation de la similitude thérapeutique montrée dans une indication à d'autres indications du produit de référence est acceptée si l’expérience clinique, la publication de données ou plus généralement le mécanisme d’action de la molécule le permettent". Pas facile de s’y retrouver donc…
Concrètement pour les patientes françaises, l’arrivée de biosimilaires sur le marché n’a que peu d’intérêt, car toutes celles qui en ont besoin ont déjà accès à l’Herceptine. De plus, les médecins risquent d’être réticents à remplacer ce médicament phare, tant ce dernier a changé le pronostic des cancers HER2+. Au-delà de l’intérêt clinique, ce sont plutôt des paramètres politiques et économiques (ces médicaments valent 20 à 30 % moins chers que le médicament princeps) qui pourraient faciliter l’arrivée des biosimilaires en France… ou servir d’arguments à des renégociations de prix.
Les médicaments biosimilaires sont évalués à l’Agence européenne des médicaments (EMA). Depuis 2006, 25 médicaments biosimilaires, représentant seulement 8 substances actives différentes, ont été autorisés dans l’Union européenne.