Cancer du poumon : ces avancées qui vont changer les prises en charge (ASCO 2024)
Le cancer du poumon touche 45 000 Français chaque année et est responsable de 33 000 décès. Face à ce fléau, des avancées importantes ont été présentées lors du congrès mondial sur le cancer ASC0 2024, y compris sur des formes avancées. Zoom sur ces annonces qui devraient changer les prises en charge.
Plusieurs types de cancers du poumon
Il existe principalement deux formes de cancers pulmonaires en fonction de l’origine des cellules bronchiques dont ils sont issus.
- Les cancers bronchiques dits non à petites cellules (CBNPC, 85 % des cas avec les adénocarcinomes, les carcinomes épidermoïdes et les carcinomes à grandes cellules) ;
- Les cancers bronchiques dits à petites cellules (CBPC, 15% des cas, des formes plus rares surtout liées au tabac et très agressives).
Au cours de ces dernières années, la découverte de mutations dans les tumeurs pulmonaires a permis l’établissement d’une classification moléculaire des cancers bronchiques, certaines de ces mutations permettant de recourir à des thérapies ciblées.
Un nouveau standard pour les cancers à petites cellules
Concernant les cancers à petites cellules non opérables mais sans métastases, une étude conduite sur près de 500 patients a montré que l'ajout d'une immunothérapie après les traitements habituels (chimiothérapie et radiothérapie) réduit de 27% le risque de décès. La survie moyenne passe de 33 mois à 56 mois. L’immunothérapie utilisée est le durvalumab, un anticorps PD-L1 commercialisé sous le nom de Imfinzi ® par le laboratoire Astrazeneca.
Selon le principal auteur de cette étude baptisée Adriatic1, il s’agit d’une réelle percée dans le cancer à petites cellules qui va faire du durvalumab un nouveau standard de traitement. Plus d’informations sur cette étude dans notre article "Cancer du poumon : l'immunothérapie change le pronostic des patients atteints d'une forme redoutable".
Du nouveau pour les cancers EGFR localement avancés
Une autre étude concerne les CBNPC qui présentent une mutation particulière du récepteur EGF dit de type EGFR. Cela représente 10 à 15% des patients dans les pays occidentaux et 30 à 40% des patients en Asie2. Chez les patients atteints de ce type de cancer avancé (stade 3) non opérable dont la maladie ne progressait pas pendant ou après une chimiothérapie à base de platine, un thérapie ciblée, l’osimertinib (commercialisé sous le nom de Tagrisso® par Astrazeneca) a été testée3,4.
Résultat : l'osimertinib a amélioré de manière significative le délai avant que la maladie ne progresse (survie sans progression- SSP), 39 mois pour le groupe traité versus 6 mois avec le placebo. Moins de métastases cérébrales ont également été rapportées (8% versus 29%). Même si les données sur la survie globale sont encore manquantes, ces résultats très encourageants pourraient changer les recommandations de prise en charge. Reste également à savoir si la réduction du risque de progression est proportionnelle à la durée du traitement.
Les promesses des anticorps conjugués face aux cancers métastatiques
Les anticorps conjugués constituent une classe thérapeutique en plein développement en oncologie et qui a obtenu des résultats intéressants face à différents cancers (voir notamment notre article "Cancer du sein métastatique : un médicament prometteur pourrait limiter le recours à la chimiothérapie"). Il s’agit de chimiothérapies couplées à des anticorps dirigés contre une protéine présente à la surface des tumeurs. Ce "missile ciblé" va ainsi délivrer la chimiothérapie au coeur de la tumeur.
Un médicament de cette classe, un anti-TROP2 a été utilisé contre des CBNPC métastatiques en échec thérapeutique dans le cadre de l’étude ICARUS-Lung01 menée à Gustave Roussy. Ce médicament cible la molécule TROP à la surface des cellules tumorales dans 80% des cancers du poumon5.
Résultat : Les résultats mettent en évidence un taux de réponse prometteur de l’ordre de 26 %. Au total, un quart des patients présentaient une diminution des lésions d’au moins 30 %. En analysant plus précisément les données, il apparaît que les cancers non épidermoïdes et ceux portant la mutation EGFR présentaient les meilleures réponses. Une réelle avancée pour des patients en impasse thérapeutique et qui avaient déjà reçu les traitements standards de cette maladie6.
Des résultats hors du commun pour les cancers ALK avancés
Une autre étude concerne les CBNPC porteurs d’un autre type de mutation dite ALK présente chez environ 3 à 5% des CBNPC. Chez ces patients, le lorlatinib (commercialisé sous le nom de Lorviqua ® par Pfizer) a permis de réduire fortement la progression de la maladie à un stade avancé et d’augmenter le taux de survie des patients par rapport à un autre traitement, le crizotinib. Dans le détail, 60 % des patients ayant reçu le nouveau médicament (administré sous forme orale une fois par jour) étaient toujours en vie sans progression de la maladie à 5 ans, contre 8 % des patients du groupe crizotinib7.
"Ces résultats à long terme sont hors du commun et cette étude confirme l'efficacité durable exceptionnelle du lorlatinib en tant que choix de première intention pour les patients atteints d'un cancer du poumon non à petites cellules ALK-positif" a conclu le Pr. David R. Spigel, directeur scientifique du Sarah Cannon Research Institute lors du congrès de l'ASCO8.
Un nouvel espoir pour les cancers KRAS métastatique
Autre sous-groupe de tumeur qui a bénéficié d’une avancée lors de ce congrès : les CBNPC avec des métastases (propagation cancer à d’autres organes) porteurs d'une mutation KRAS G12C (la mutation KRAS est présente chez 30% des patients et le sous-groupe KRASG12C chez 13%). Une thérapie ciblée l’adagrazib (commercialisée sous le nom de Krazati ® par les laboratoires BMS) a démontré des résultats intéressants chez des patients au stade avancé ou métastatique déjà traités par une chimiothérapie et/ou une immunothérapie9.
Le délai avant que la maladie ne progresse de nouveau a été de 5,5 mois pour les patients traités contre 3,8 mois pour les patients sous chimiothérapie, qui ont plus d’effets secondaires10. Des résultats à plus long terme sont nécessaires mais face à l’absence d’options thérapeutiques pour ces patients, ce composé représente un réel espoir.