La bicuspidie valvulaire aortique, source de complications potentiellement graves

Publié le  , mis à jour le 
en collaboration avec Guillaume Goudot (cardiologue)

La bicuspidie aortique est une anomalie qui affecte l’une des quatre valves du cœur. Le plus souvent asymptomatique, elle est souvent découverte de manière fortuite. Elle peut néanmoins entraîner des complications potentiellement graves qui nécessitent alors sa prise en charge. Quelles sont ces complications ? Comment les diagnostiquer ? Et quand faut-il opérer les patients ? Les explications du Dr Guillaume Goudot, cardiologue et maître de conférences en médecine vasculaire à l’Hôpital Européen Georges Pompidou (AP-HP).

Qu’est-ce que la bicuspidie aortique ?

Quel est le rôle de la valve bicuspide ?

La valve aortique est l'une des quatre principales valves du cœur. Elle sépare le ventricule gauche de l'aorte. Elle est constituée de trois feuillets appelés cuspides qui participent au transport du sang oxygéné du coeur vers l’aorte.

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Définition d'une bicuspidie valvulaire aortique

La bicuspidie valvulaire aortique est une variation congénitale (présente à la naissance) de la valve aortique qui ne présente que deux feuillets valvulaires au lieu de trois habituellement.

Combien de personnes présentent une bicuspidie aortique ?

Il s’agit d’une anomalie congénitale relativement fréquente du cœur, puisqu’elle touche environ 1% de la population, souligne le Dr Guillaume Goudot, cardiologue et maître de conférences en médecine vasculaire à l’Hôpital Européen Georges Pompidou (AP-HP).

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Qui peut présenter une bicuspidie valvulaire aortique ?

Cette malformation cardiaque congénitale peut toucher tout le monde. Présente dès la naissance, elle peut se manifester dès l’enfance (ce qui est cependant rare) ou ne jamais donner de symptômes. Lorsqu’elle est symptomatique, elle l’est généralement après 40 ans, précise le spécialiste.

Quelles sont les causes d’une bicuspidie valvulaire aortique ?

La bicuspidie aortique est-elle héréditaire ?

"On ne connait pas bien les causes d’une bicuspidie valvulaire aortique", indique le spécialiste. "Des anomalies génétiques ont été retrouvées dans les formes familiales, portant notamment sur les gènes NOTCH1, SMAD6 et MIB1. Mais dans la plupart des cas, on ne retrouve pas d’anomalies génétiques, soit parce qu’elles n’ont pas encore été identifiées, soit parce qu’elles n’existent pas et ne sont donc pas responsables de la bicuspidie aortique".

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Quels sont les symptômes d'une bicuspidie aortique ?

La bicuspidie aortique provoque-t-elle des douleurs ?

Dans la majorité des cas, une bicuspidie valvulaire aortique n’entraîne aucun symptôme car cette anomalie n’empêche pas la valve aortique de fonctionner correctement. Le plus souvent, les patients ne se plaignent donc pas. La découverte d'une bicuspidie aortique est d'ailleurs le plus souvent fortuite, survenant à l’issue d’un examen d’imagerie du cœur prescrit pour une tout autre raison.

Une bicuspidie aortique peut-elle entraîner des complications ?

Même si une bicuspidie valvulaire aortique n’empêche pas la valve aortique de bien fonctionner, être porteur d’une telle anomalie cardiaque n’est pour autant pas anodin, souligne le Dr Goudot. "La bicuspidie valvulaire aortique accélère le vieillissement de la valve aortique, qui va se calcifier et se rigidifier.  Cette anomalie est d’ailleurs la première source de rétrécissement aortique chez les personnes peu âgées (avant 70 ans)".

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La sténose aortique

L’une des principales complications associées à ce vieillissement prématuré est le rétrécissement de la valve aortique, connu sous le terme médical de sténose aortique : la valve devient un obstacle à l’éjection du sang par le cœur. Sur le plan clinique, cela entraîne une insuffisance cardiaque qui se manifeste par un essoufflement à l’effort puis sans effort, un œdème des jambes, des malaises pouvant aller jusqu’à la perte de connaissance et des douleurs thoraciques, énumère le cardiologue.

La fuite aortique

"Une autre complication possible est la fuite aortique, laquelle va entrainer elle aussi une insuffisance cardiaque", indique le Dr Goudot.

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L'endocardite infectieuse

Plus rarement, la bicuspidie valvulaire aortique peut se compliquer par une infection de la valve, également appelée endocardite infectieuse. "La valve bicuspide est plus sensible aux agents infectieux d’origine dentaire. C’est pourquoi on sensibilise les patients porteurs d’une telle anomalie à l’importance d’une hygiène dentaire soigneuse", précise le médecin.

L'anévrisme de l'aorte

Enfin, une valve bicuspide peut être associée à des anomalies de l’aorte, située derrière la valve, en particulier un anévrisme de l’aorte. Cette dilatation aortique n’entraîne aucun symptôme, mais elle expose en revanche à un risque de rupture qui constitue une urgence absolue, met en garde le médecin. "Une douleur soudaine et violente dans la poitrine, éventuellement associée à un malaise, doit amener la personne à appeler le 15".

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Comment poser le diagnostic d’une bicuspidie aortique ?

À quels examens d’imagerie recoure-t-on ?

Le principal examen d’imagerie pour le diagnostic d’une bicuspidie valvulaire aortique est l’échocardiographie ou échographie cardiaque. Cet examen permet de voir la valve aortique s’ouvrir et se fermer, de compter le nombre de feuillets mais aussi d’observer si des complications sont déjà présentes, notamment une sténose ou un anévrisme aortique : "L’échographie cardiaque permet de faire à la fois le diagnostic de la bicuspidie valvulaire aortique et de dresser un état des lieux".

Il peut arriver que la visualisation de la valve aortique soit difficile. Dans ce cas, deux examens peuvent être proposés en complément : l’angio-IRM ou l’angioscanner (également appelé tomodensitométrie ou TDM).

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Un examen génétique est-il systématique ?

Plusieurs gènes ont été identifiés comme responsables de bicuspidies aortiques familiales ; leur recherche n’est cependant pas systématique, elle est proposée uniquement dans les formes familiales et/ou complexes.

Il est en revanche recommandé de proposer un dépistage de la bicuspidie valvulaire aortique par une échographie cardiaque aux apparentés au 1er degré d’un individu porteur de cette anomalie, à savoir les enfants, les parents et la fratrie, souligne le Dr Goudot.

Comment soigner une bicuspidie aortique ?

Une simple surveillance

En l’absence de complications, la prise en charge d’une bicuspidie valvulaire aortique se limite généralement à sa surveillance via une échographie cardiaque. "La fréquence du suivi dépend de l’aspect de la valve et de la taille de l’aorte : elle peut être d’un examen annuel voire plus en cas de fuite ou de dilatation aortique, à un examen tous les 5 ans en l’absence de signes particuliers", indique le cardiologue. En parallèle, le médecin traitant devra veiller à surveiller régulièrement la pression artérielle de son patient car l'hypertension artérielle altère la valve aortique.

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"L’intervention n’est pas inévitable. Les patients évoluent très différemment les uns des autres et il est très difficile de prédire qui aura besoin d’être opéré".

Remplacer la valve

En cas de complications critiques de la valve ou de l’aorte, une intervention chirurgicale devra, en revanche, être programmée. "L’intervention consiste à remplacer la valve aortique et l’aorte ascendante si celle-ci est dilatée. C’est une décision qui se prend après un bilan approfondi et une concertation entre spécialistes en charge du patient : le cardiologue, le chirurgien cardiaque et, parfois, le radiologue".

Il existe deux approches pour cette intervention :

  • La chirurgie classique, qui consiste à ouvrir le sternum pour remplacer la valve et/ou l’aorte ;
  • L’implantation par voie percutanée (ou TAVI), une technique beaucoup moins invasive qui ne nécessite pas l’ouverture du thorax, ce qui limite le risque infectieux.
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Le choix entre ces deux options thérapeutiques repose sur la conformation de la valve et résulte d’une discussion collégiale entre l’équipe médicale et le patient. "Très invasive, la chirurgie conventionnelle est généralement proposée aux patients jeunes chez qui on privilégie la pose d’une valve mécanique, en métal, pour sa longue durée de vie, et aux patients qui présentent des complications à la fois valvulaires et aortiques. L’approche percutanée, qui fait appel à des valves biologiques de porc ou de bœuf, dont la durée de vie est moins longue que celle des valves mécaniques, est plutôt proposée aux patients plus âgés", explique le Dr Goudot.

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En cas de dysfonctionnement de la prothèse, lié à une infection ou à une thrombose par exemple, ou en cas de vieillissement prématuré de la valve implantée, le patient devra être réopéré. La question de l’approche (chirurgie conventionnelle ou approche percutanée) se posera à nouveau.

Comment vivre avec une bicuspidie aortique ?

Après une intervention chirurgicale, une rééducation d’au moins un mois est indispensable pour réadapter le patient à l’effort. "L’objectif du traitement est de lui permettre de reprendre une activité normale".

Peut-on faire du sport avec une bicuspidie aortique ?

L’activité physique est fortement recommandée, mais certains sports restent déconseillés : "Les valves mécaniques nécessitent la prise d’un traitement anti-coagulant, qui expose à un risque de saignement ; on va donc déconseiller les sports de combat notamment". En revanche, quel que soit le type de prothèse, mécanique ou biologique, tous les sports d’endurance (marche, course à pied, cyclisme, natation) sont fortement recommandés.

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Quelle est l'espérance de vie des patients ?

L’espérance de vie des personnes présentant une bicuspidie valvulaire aortique est la même que celle des personnes ayant une valve aortique normale à trois feuillets, "mais au prix d’une surveillance régulière", souligne le médecin. "Après une chirurgie cardiaque, le patient devra se soumettre à un contrôle annuel de sa prothèse durant toute sa vie".


Sources
  • Dr Guillaume Goudot, cardiologue et maître de conférences en médecine vasculaire à l’Hôpital Européen Georges Pompidou (AP-HP)
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