Confinement : les conséquences de l'abstinence sexuelle imposée

Chloé  Thibaud
Chloé Thibaud Journaliste, réalisatrice et auteure
Publié le  , mis à jour le 
en collaboration avec Caroline Le Roux (sexologue et psychologue)

Que vous soyez célibataire ou en couple (confinés séparément), l’une des conséquences de l’épidémie de coronavirus est l’impossibilité d’avoir des relations sexuelles. Caroline Le Roux, sexologue et psychologue, nous explique pourquoi cette situation peut s’avérer difficile.

Le 17 avril, invitée - à distance - dans l’émission Quotidien, la journaliste et sexperte Maïa Mazaurette déclarait que 2020 représentait un “âge d’or de la masturbation. En effet, avec le confinement lié à l’épidémie de coronavirus, beaucoup de Français·es sont confiné·e·s seul·e·s et n’ont, par conséquent, plus de rapports sexuels partagés. Pour certain·e·s, comme Noémie, 32 ans, “cette pause fait du bien et permet de se ressourcer”. Pour d’autres, cette abstinence imposée est une réelle souffrance. “C’est tout à fait normal, s’exclame d’emblée la sexologue et psychologue Caroline Le Roux, la sexualité est l’un de nos besoins fondamentaux et fait partie de notre équilibre. Au bout d’un moment, c’est comme si on nous privait de nourriture : on ne pense plus qu’à ça, ça finit par créer des frustrations et par avoir des répercussions sur notre moral.” 

“C'est difficile de ne pas avoir de contact physique avec quelqu'un qu'on aime” 

De la frustration, de l’inquiétude et même un sentiment d’injustice, c’est ce que ressent Jeanne, 30 ans, en couple depuis huit mois mais confinée loin de son copain. “Avant le confinement, on se voyait deux fois par semaine et on faisait l’amour à chaque fois, sauf extrême fatigue, confie-t-elle. C'est difficile de ne pas avoir de contact physique avec quelqu'un qu'on aime, qu'on désire, qui nous manque. J'ai l'impression de ne plus avoir l'odeur de sa peau en tête, la sensation de sa peau sous mes doigts, toutes les sensations intimes sont comme effacées, très à distance, inaccessibles.” Le partenaire de Jeanne n’étant pas du genre à “sextoter”, la jeune femme s’inquiète de leur manque de communication à propos de leur vie sexuelle et de leurs désirs assouvis chacun dans son coin. “Maintenant que le déconfinement approche, j'ai peur qu'on soit gauches en se retrouvant et que l'alchimie soit partie. Comme il n'a pas été très présent par sms ou appels, je crains qu'on se soit éloignés, amoureusement et physiquement. J'espère me tromper et que le retour de nos moments de couple nous redonnera pleinement la mesure de ce qu'on partage.”

Pour Caroline Le Roux, une chose est certaine : les confinés en solo auraient tort de croire que les duos s’en sortent mieux. “Je continue mes consultations virtuellement et je peux affirmer que la situation est très compliquée pour les couples : soit on a affaire à un couple qui allait bien avant le confinement et qui réussit à communiquer, à rester complice, que ce soit en direct ou à distance, soit on a des couples dont les problèmes se retrouvent exacerbés, ce qui a des conséquences négatives sur leur vie sexuelle, leur mal-être et même leur attitude vis-à-vis des enfants…” 

Confinés ensemble mais sans faire l’amour 

Ce deuxième cas de figure, c’est celui de Clément, 39 ans, qui est confiné avec sa copine chez sa belle-famille. Il raconte : “On était dans une situation assez pauvre sexuellement, même si cela semblait aller un peu mieux les semaines précédant le confinement. Finalement, cette situation a été un frein à cette évolution vers le mieux et vers de tendres retrouvailles de nos corps.” Gênée par la présence de ses parents dans la maison, sa petite amie n’arrive pas forcément à lâcher prise pour partager avec lui des moments intimes, or Clément ressent une envie plus importante de faire l’amour. “Autant quand on travaille, on peut avoir envie mais on ne rate rien car notre moitié n’est pas là, autant quand elle est là c’est encore plus frustrant de ne pas pouvoir en profiter réellement…” 

Des couples confinés ensemble mais qui ne font pas - ou plus - l’amour, Caroline Le Roux en voit défiler. “Nous ne sommes pas habitués à être en permanence avec l’autre, commente-t-elle. Dans une période inédite et douloureuse comme celle que nous vivons, nous n’avons pas forcément les mêmes envies, le même rythme. La libido peut s’envoler, les rapports diminuer ou s’arrêter complètement. Surtout, il ne faut pas se mettre la pression, se dire que parce qu’on est confinés ensemble, il faudrait faire l’amour en permanence.” Finalement, la question de la sexualité fait partie de cette injonction du “confinement parfait” pendant lequel il faudrait faire son pain maison, pratiquer le yoga, lire dix livres par semaine et, pour les couples, être sexo-actifs comme jamais. Alors que face au stress et à la peur, tout ce qu’on peut faire c’est “attendre et essayer de conserver un minimum de vie sexuelle”, explique notre sexologue. D’accord, mais comment ?

Confinés, comment supporter le manque de sexe ?

Comme le dit sagement Johanne, célibataire de 29 ans, “quand je pense au sexe, je me masturbe, et après ça va mieux.” En fait, qu’importe notre situation de confinement, Caroline Le Roux recommande à tou·te·s de se masturber. “On a vu comme les visites sur les sites porno ont explosé. Il est important de dédramatiser et de déculpabiliser les gens. Vous manquez de sexe ? Masturbez-vous ! Pour les célibataires, le point positif c’est qu’on prend plus le temps de s’écrire sur les applis de rencontre, on apprend davantage à connaître l’autre. Et si on a besoin de discuter avec quelqu’un pendant qu’on se masturbe, on peut échanger sur nos fantasmes. Pour les couples à distance, c’est pareil ! Qu’ils n’hésitent pas à s’envoyer des messages érotiques, des photos ou des vidéos…”

Depuis mi-mars, Victoria, célibataire de 27 ans, est très présente sur les applis de rencontre et “sextote” avec différents partenaires : “Il y en a un en particulier avec qui je venais de matcher quand s’est retrouvés confinés. On s’écrit longuement le soir, comme si on se retrouvait au lit. Je ne sais même pas si à la fin on va vraiment se voir mais, en tout cas, ça aide à faire passer le temps.” De son côté, Anna, célibataire de 28 ans et confinée seule, s’est fréquemment masturbée pendant les premiers temps mais, après avoir regardé beaucoup de pornographie, elle s’est lassée du plaisir solitaire. “L’orgasme est devenu mécanique, j’ai même du mal à jouir alors je le fais de moins en moins.” En revanche, elle n’a jamais autant fait travailler son imagination. “J’échange avec un homme et j'ai l'impression que ce confinement favorise le fantasme. Mon esprit est en permanence en train de se faire des scénarios de quand je vais le voir, ce que je vais lui faire, ce qu'il va me faire... une chose qu'en temps normal j'avais un peu perdue. L'attente devient de plus en plus insoutenable mais c'est aussi ça qui est délicieux. En sortant du confinement, je pense que la première chose que j'essaierai de faire c'est de le voir pour assouvir tout ce que j'aurais imaginé…”

Mais Anna ne risque-t-elle pas d’être déçue, le moment venu ? N’espérons-nous pas trop de nos retrouvailles intimes post-confinement ? Faut-il s’attendre à une forte augmentation des relations sexuelles, comme on peut le lire sur les réseaux sociaux ?

“Nos fantasmes resteront peut-être de simples fantasmes quand la réalité sera là”

“De l’après, on ne sait pas grand chose, conclut Caroline Le Roux. On pense qu’il y aura sûrement une explosion de séparations et de bébés, mais on n’a pas le recul nécessaire pour tirer des conclusions. On se dit tous qu’on va sortir, faire la fête, qu’on va faire l’amour, mais est-ce que ça va vraiment se passer comme dans nos rêves ? La vie ne va pas reprendre son cours normal tout de suite, les lieux de rencontre ne vont pas rouvrir immédiatement… Et nos fantasmes resteront peut-être de simples fantasmes quand la réalité sera là.” En tout cas, notre spécialiste se veut rassurante : même si vous n’avez pas eu de vie sexuelle pendant le confinement, même si votre libido s’est mise sur pause, les choses rentreront dans l’ordre petit à petit… promis !

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Sources
  • Entretien avec Caroline Le Roux, sexologue et psychologue
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