Protéger son coeur avec des Oméga 3 - Réponses d'expert
Les Oméga 3 sont parmi les nutriments les plus intéressants pour la prévention des maladies cardiovasculaires. Les populations qui en consomment le plus sont moins souvent victimes d'infarctus. Et en cas d'augmentation des apports après un premier accident coronarien, les récidives sont moins fréquentes. Explications du Dr Philippe Giral.
Doctissimo : Le lien entre consommation d'Oméga 3 et bonne santé cardiaque a-t-il été établi scientifiquement ?
Dr Philippe Giral du Service d'endocrinologie de l'hôpital parisien Pitié-Salpétrière 1 : L'étude dite "des 7 pays", qui a comparé l'alimentation et la santé des Japonais, des Crétois, des Américains, et des Nord-Européens, est particulièrement riche d'enseignement. Elle a démarré dans les années 70.
- Dans sa première phase, elle a confirmé qu'un apport plus important d'acides gras saturés et un taux cholestérol (cholestérolémie) plus élevé, favorisent l'infarctus du myocarde ;
- Dans un second temps, elle a souligné l'effet préventif des acides gras polyinsaturés type Oméga 3. Par exemple, les Finlandais développaient beaucoup plus d'accidents coronariens que les Japonais : les premiers avaient un régime riche en acides gras saturés, les seconds, gros consommateurs de poissons, bénéficiaient d'excellents apports d'Oméga 3.
Dans les années 60, on avait déjà observé le taux faible d'infarctus chez les esquimaux (alors qu'ils vivent à la même latitude que les Finlandais) qui eux aussi se nourrissent de beaucoup de poisson. Plus récemment, une étude grecque 2 a montré l'intérêt du régime méditerranéen en prévention cardiovasculaire. Il s'agit d'un régime riche en Oméga 3 (poisson, pourpier), avec peu de viande (donc peu de graisses saturées), et riche en végétaux, (fruits et légumes, légumineuses).
Par quel mécanisme les Oméga 3 agissent-ils de manière à protéger cœur et vaisseaux ?
Ils agissent de différentes façons pour prévenir le développement de l'athérosclérose (dépôts de cholestérol sur la paroi interne des artères formant des plaques d'athérome) ou la formation d'une thrombose (caillot de sang qui obstrue les artères). A partir des Oméga 3, l'organisme élabore des leucotriènes et des prostaglandines anti-agrégantes.
- Les leucotriènes ont un effet anti-inflammatoire, contribuant à freiner la formation des plaques d'athérome ;
- Quant aux prostaglandines anti-agrégantes, elles empêchent les plaquettes sanguines de s'agglutiner pour initier un caillot.
Par contre, les leucotriènes et prostaglandines obtenus à partir des Oméga 6 ont des effets quasi antagonistes. C'est pourquoi on insiste sur la notion de rapport Oméga 6/Oméga 3 (qui doit être autour de 5) : Oméga 3 et Oméga 6 sont essentiels, mais pour la santé du cœur, leur apport doit être équilibré.
Autres effets intéressants des Oméga 3 : ils fluidifient la membrane des globules rouges, et seraient vasodilatateurs (ce qui protège aussi de l'athérosclérose). Toutefois, il faut bien faire la nuance entre les Oméga 3 et les médicaments (par exemple les statines), dont les effets sont nettement plus marqués.
Les Oméga 3 ont-ils un effet sur les troubles du rythme cardiaque ?
Les Oméga 3 réduiraient les troubles du rythme, grâce à un effet stabilisant sur les membranes des cellules musculaires du cœur. Toutefois, à ce jour, ce n'est pas démontré. Il ne s'agit que d'une hypothèse, émise parce qu'on s'est rendu compte, grâce à des études de prévention cardiovasculaire secondaire, qu'il y avait moins de morts subites dans les groupes de patients supplémentés en Oméga 3. Une étude, publiée dans le Lancet en octobre 2008 3, s'est intéressée aux complications de l'insuffisance cardiaque. On a comparé l'effet de médicaments hypocholestérolémiants (statines) et de l'huile de poisson (1g d'EPA et DHA par jour) 4.
Les résultats montraient que les personnes sous Oméga 3 en tiraient un faible bénéfice, avec moins de complications (dont les complications fatales) et moins d'hospitalisations.
Peut-on espérer les mêmes effets bénéfiques pour tous ?
Non. Les effets des lipides et en particulier des Oméga 3 sont démontrés à l'échelon de populations dans certaines études épidémiologiques ou de groupes de patients dans les études d'intervention. Au niveau individuel, les effets varient en fonction du sexe, du statut nutritionnel initial (en cas d'étude d'intervention) et de facteurs génétiques.
A quelle dose les Oméga 3 sont-ils efficaces en prévention cardiovasculaire ?
Les apports quotidiens conseillés à la population française sont de 2 g d'ALA pour les femmes, 2,5 g pour les hommes, de 250 mg d'EPA et de 250 mg de DHA. (NDLR : recommandations de l'Afssa au 1er mars 2010). Il n'y a pas d'apport conseillé pour l'EPA. Dans les études épidémiologiques, les populations qui font le moins d'infarctus ont des apports en EPA et DHA de quelques centaines de mg par jour, proches des apports conseillés.
Pour atteindre ces valeurs, il faut consommer 2 à 3 cuillères à soupe par jour d'huile de colza, de noix, ou de soja, riche en ALA (ou l'équivalent en margarine), et du poisson, surtout gras, 2 à 3 fois par semaine, directement vecteur d'EPA et de DHA.
En revanche, dans les études de prévention cardio-vasculaire secondaires, la dose efficace d'EPA + DHA est de 1 g. Et, pour faire baisser les triglycérides sanguins, il en faut 2 à 4 g. Pour obtenir de tels apports, on doit prescrire des gélules d'huiles de poissons.
NON aux régimes, OUI à WW !
Un bon apport d'Oméga 3, est-ce la seule mesure diététique pour protéger son coeur ?
Non, il faut revoir l'apport lipidique global et rééquilibrer l'ensemble de l'alimentation. Les Français consomment trop d'acides gras saturés. Pour en réduire la part dans l'alimentation, il faut :
- Modérer la viande rouge (1 à 2 fois par semaine suffit) et alterner avec viandes blanches et poissons (2 à 3 fois par semaine) ;
- Limiter le fromage à 1 repas par jour, et donner la priorité au lait et laitages écrémés ou semi-écrémés ;
- Cuisiner à l'huile et non au beurre ou à la crème. Afin d'obtenir un bon rapport Oméga 6/oméga 3, ne pas trop utiliser les huiles de tournesol ou de pépins de raisin ;
- Compléter l'apport d'Oméga 3 par des noix, du pain aux graines de lin, de la mâche...
Pour le reste, il est souhaitable de manger des légumes (une salade, des crudités, des légumes cuits...) à chaque repas, en les associant systématiquement aux féculents. Penser plus souvent aux légumineuses (lentilles, haricots secs...). Consommer chaque jour des fruits (entiers plutôt que sous forme de jus, surtout si on a une hypertriglycéridémie).
Attention, une bonne nutrition est importante, mais quand on veut protéger son cœur, il est essentiel d'y associer de l'activité physique quotidienne et d'arrêter de fumer le cas échéant.