Troubles bipolaires : traiter le plus tôt possible
Bien souvent, les désordres bipolaires sont dépistés très tardivement. Pourtant, la prise en charge précoce est essentielle pour diminuer les crises. Le Dr Christian Gay, psychiatre nous parle des traitements de cette maladie.
Doctissimo : Vous évoquez une méconnaissance des troubles bipolaires, notamment au sein du corps médical. Pouvez-vous nous en dire plus sur les problèmes que cela entraîne ?
Dr Gay : Il faut en moyenne huit ans d'évolution du trouble avant qu'un diagnostic ne soit posé. Ceci s'explique par le fait que cette pathologie passe souvent inaperçue au début de son évolution. Ce trouble peut aussi se manifester sous des formes trompeuses, pouvant faire évoquer d'autres pathologies psychiatriques. Ce trouble est fréquemment associé à des états de dépendance à des toxiques et plus particulièrement à des conduites d'alcoolisation qui peuvent masquer la symptomatologie maniaco-dépressive.
Or la précocité de la mise en place du traitement conditionne le pronostic et l'évolutivité de cette maladie. La reconnaissance précoce des symptômes de la maladie bipolaire qui annoncent une récidive maniaque et l'institution rapide d'un traitement médicamenteux permettent d'enrayer le processus maniaque et d'éviter l'hospitalisation.
Quelle est la prise en charge la plus efficace des troubles bipolaires ? Quel rôle peut jouer l'entourage ?
Dr Gay : Le traitement médicamenteux occupe une place importante dans la prise en charge du patient bipolaire. Parallèlement, la diffusion d'une information détaillée sur la maladie et ses traitements, la mise en place de mesures psycho-éducatives, le respect des règles de vie, l'initiation d'une psychothérapie, la participation à des groupes de parole permettront de compléter la prise en charge.
- Les sels de lithium constituent le traitement le plus ancien et le plus spécifique des troubles bipolaires typiques. Ils sont officiellement indiqués dans le traitement curatif des états maniaques. Ils réduisent le risque de suicide (10 à 6 fois moins selon les études) et abaissent le taux de mortalité qui devient identique à celui de la population générale.
- Les anticonvulsivants sont préférentiellement indiqués dans le traitement des états mixtes (intrication de symptômes d'excitation et dépressifs dans le même épisode), des formes à cycle rapide (quatre épisodes au minimum par an), en l'absence d'antécédents familiaux, et dans les formes dites secondaires (lorsqu'il existe une cause organique).
- Les neuroleptiques classiques sont fréquemment prescrits lors du traitement curatif d'un état d'excitation maniaque. Mais on limite leur prescription en raison des effets indésirables neurologiques et d'un effet dépressogène possible.
- Les antipsychotiques de nouvelle génération apparaissent plus spécifiques de ce type de trouble, en raison de leur bonne tolérance et de l'absence d'effet dépressogène. Ils sont préférentiellement prescrits en cas de troubles de la personnalité sous-jacents de type borderline ou personnalité antisociale. Pour que le traitement soit bien suivi, il est nécessaire qu'existe une coopération entre psychiatre-médecin généraliste-patient et entourage familial.
Les hospitalisations d'office sont-elles parfois nécessaires ? Ne risquent-elles pas d'aggraver la maladie bipolaire ?
Dr Gay : Une hospitalisation sous contrainte est justifiée en cas de refus de soins et lorsque le sujet est dangereux pour lui-même et son entourage. Cette mesure d'hospitalisation devient de plus en plus exceptionnelle lorsque le patient est bien informé sur sa maladie et suit régulièrement son traitement. Elle est souvent nécessaire au début de la maladie, lorsque le traitement n'a pas encore été institué. Sur le coup, le patient nous en veut d'avoir agi contre sa volonté. Après stabilisation de son état, il reconnaît le bien fondé de cette mesure. Elle ne peut en aucun cas aggraver la maladie, au contraire. Néanmoins, certains patients conservent des souvenirs très pénibles de leur enfermement, de l'intervention des forces de l'ordre, des traitements imposés. Ce vécu varie en fonction de la personnalité du sujet, de la nature des troubles et aussi en fonction de la personnalité des soignants et des structures d'hospitalisation.
Existe-t-il des risques importants de rechute après une guérison des troubles bipolaires ?
Dr Gay : Plus on s'éloigne d'un épisode, moins on a de risque de rechute. Ceci souligne la nécessite de poursuivre pendant plusieurs années les traitements et de mettre tout en oeuvre pour éviter de se trouver dans des situations de fragilisation. Parallèlement aux traitement médicamenteux, la prise en charge psychologique permet d'apprendre au sujet à mieux gérer ses affects, à contrôler certains situations stressantes, à respecter les règles d'hygiène de vie.