Flore intestinale : composition, la restaurer, dysbiose

Céline Desrumaux
Céline Desrumaux Journaliste santé
Publié le  , mis à jour le 
en collaboration avec Dominique Gauguier (chercheur Inserm au laboratoire Toxicité environnementale )

Flore intestinale

Nos intestins sont peuplés de milliards de micro-organismes bénéfiques à notre organisme ; il s'agit de la flore intestinale ou microbiote. La flore intestinale nous cache encore bien des secrets, dont une infime partie seulement a été mise en évidence à travers la recherche scientifique. C’est pourquoi il s'agit d'un domaine de recherche aux intérêts multiples et très prometteur, en particulier comme approche thérapeutique dans diverses maladies.

Qu'est-ce que le microbiote intestinal (compositions, bactéries...) ?

La flore intestinale ou microbiote intestinal est un ensemble de micro-organismes monocellulaires. "Les bactéries, les virus et les levures vivent en symbiose avec l’organisme hôte, c’est-à-dire nous, les mammifères, explique le Pr Dominique Gauguier, chercheur Inserm au laboratoire Toxicité environnementale cibles thérapeutiques signalisation cellulaire et biomarqueurs. La composition de la flore est régionale : la flore intestinale est complètement différente de la flore buccale, vaginale ou de la flore cutanée. La fonction de la flore est adaptée au milieu où elle réside".

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Le microbiote intestinal d’un individu en bonne santé est composé de milliers d’espèces différentes non pathogènes, qui sont principalement des bactéries. Il est le microbiote le plus important du corps humain. Ce sont l’intestin grêle et le côlon qui sont les plus “peuplés”. Chaque individu possède son propre microbiote, qui se forme dès la naissance, unique sur le plan quantitatif et qualitatif. 

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Fonctions et rôles de la flore intestinale

Le microbiote intestinal a un rôle crucial dans de nombreuses fonctions du corps humain, notamment digestives, immunitaires, métaboliques et neurologiques. 

La flore intestinale sert à nous approvisionner en molécules de la digestion. Nous alimentons notre flore, qui elle nous alimente en molécules essentielles. C’est ce que nous appelons le système symbiotique ou commensale ; c’est un système à bénéfices réciproques", détaille le Pr D. Gauguier. "Au niveau du métabolisme par exemple, les micro-organismes synthétisent pour nous des molécules que nous sommes incapables de fabriquer. C’est le cas par exemple de certains acides aminés, nous ne savons en synthétiser que 17 sur 20. Les acides aminés sont les éléments qui forment les protéines. La flore intestinale nous fournit ces acides aminés à partir du bol alimentaire".

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Le microbiote facilite l'assimilation des nutriments grâce à un ensemble d'enzymes et participe à la synthèse de certaines vitamines.

Le microbiote participe activement à l’immunité intestinale, grâce à un système de reconnaissance des micro-organismes pathogènes. La flore stimule les défenses immunitaires et empêche le développement d’éventuelles infections et phénomènes inflammatoires. 

Aussi, le cerveau serait sous l’influence du microbiote intestinal, avec une communication possible entre les système nerveux central et l’intestin, rendue possible grâce à l’axe “intestin-cerveau”.

Le microbiote favorise le bon fonctionnement de l'organisme de manière générale. 

Pathologies possibles : comment savoir si ma flore intestinale est mauvaise ? 

De manière générale, un microbiote intestinal sain va de pair avec un fonctionnement optimal du système digestif, notamment une bonne digestion, l’émission de selles moulées au quotidien et un confort abdominal.

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Dysbiose : flore intestinale déséquilibrée

"Le microbiote intestinal est un système en équilibre, qui est la symbiose. Lorsque la symbiose est rompue par les bactéries pathogènes, nous parlons de dysbiose".

La dysbiose est le déséquilibre voire l’altération de la qualité ou de la fonction de la flore intestinale. Ce déséquilibre résulte le plus souvent de : 

  • La prise de médicaments antibiotiques ;
  • D’une quantité d’agents pro-inflammatoires supérieure à celle des agents anti-inflammatoires ;
  • Un déficit en bactéries Faecalibacterium prausnitzii ou d’autres espèces du groupe Clostridium ;
  • Des facteurs génétiques et environnementaux.

La dysbiose peut se compliquer, entraînant des inflammations et des mécanismes auto-immuns. La recherche s’articule autour de la dysbiose et de ses potentielles conséquences sur certaines maladies inflammatoires de l’intestin. Cette piste est encore à l’heure de l’exploration au niveau de la recherche.

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Infection à Clostridium difficile : diarrhées infectieuses

La bactérie Clostridium difficile provoque des diarrhées parfois violentes, des troubles intestinaux et une inflammation de la membrane du côlon. L’infection à Clostridium difficile est la première cause de diarrhées infectieuses dans les établissements de santé. Les sujets à risque sont les personnes âgées, les personnes souffrant de maladies chroniques ainsi que les patients sous certains traitements antibiotiques. Cette bactérie se transmet par contact avec des surfaces contaminées par des selles souillées. La prévention passe essentiellement par le lavage fréquent des mains.

Complications de la dysbiose : maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, diabète, cancer et maladies neurologiques

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La recherche est active autour du microbiote et de son lien possible avec d’autres maladies. Il est avancé que le déséquilibre de la flore pourrait avoir un lien dans la survenue de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, comme la maladie de Crohn ou la recto-colite hémorragique, liée à un système immunitaire intestinal qui s’active de manière inappropriée. 

La dysbiose pourrait aussi être associée à des troubles métaboliques, augmentant les risques d’obésité et de diabète. Des expérimentations ont révélé que l’implantation d’un microbiote provenant d’une souris obèse chez une souris axénique (sans microbiote) engendre une prise de poids rapide et importante. 

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Le déséquilibre de la flore pourrait être un facteur augmentant le risque d’apparition ou de progression : 

  • De tumeurs digestives (causées par l’augmentation de la perméabilité intestinale) ;
  • De cancer gastrique (toxines créées par la bactérie Helicobacter pylori) ;
  • De cancers du sein chez la femme (engendrée par des antibiothérapies fréquentes).

Attention toutefois, de nombreux facteurs favorisent la survenue d’inflammations ou de maladies intestinales, comme l’alimentation ou la prise d’antibiotiques au long cours, l’hérédité, le niveau de stress, etc. "En effet, la flore est très réactive à l’environnement alimentaire, médicamenteux et aux pathologies".

"Par ailleurs, nous ne pouvons pas affirmer le lien de cause à effet entre une pathologie et une modification de la composition de la flore intestinale. Nous savons que dans certaines pathologies, comme le diabète ou l’autisme, nous mettons en évidence une modification du microbiote. Aussi, un traitement avec un antidiabétique classique, la metformine, conduit à une modification de la structure du microbiote intestinal. Toutefois, nous ignorons si cette dernière fait partie des causes ou des conséquences de la maladie ou d’un traitement" prévient le Pr D. Gauguier.

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Comment nettoyer la flore intestinale ?

"En présence de bactéries pathogènes, nous pouvons procéder à un nettoyage de la flore intestinale à l’aide d’antibiotiques. Néanmoins, nous pouvons rarement cibler l’antibiothérapie. Les antibiotiques détruisent non seulement la bactérie pathogène, mais aussi l’environnement local et les bonnes bactéries. Le microbiote est un système extrêmement complexe, notamment en raison de la symbiose entre les différentes bactéries qui coopèrent dans le milieu intestinal et qui sont très évolutives. Les bactéries possèdent un génome dont elles peuvent échanger une partie avec d’autres espèces, ce qui peut conduire à des pertes ou des gains de fonction biologique. En d’autres termes, les bactéries que nous identifions aujourd’hui évoluent et peuvent être différentes dans 10 ans, car elles ont échangé leur patrimoine génétique avec d’autres bactéries" précise le Professeur Dominique Gauguier. 

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Reconstituer le microbiote : comment restaurer la flore intestinale (aliments, probiotiques...) ?

À la question de savoir si nous pouvons restaurer notre flore intestinale, la réponse est oui. "Les probiotiques présents dans les compléments alimentaires présentent un intérêt pour restaurer l’équilibre de la flore intestinale", répond le chercheur. "Classiquement, les yaourts sont de bonnes sources de bactéries symbiotiques. Idéalement, après un traitement antibiotique, il est conseillé de prendre des probiotiques. Comme dit précédemment, les antibiotiques sont efficaces contre les agents pathogènes, mais ils détruisent aussi les bactéries commensales. Consommer des probiotiques permet de réensemencer sa flore".

Quel aliment est bon pour refaire la flore ?

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La symbiose intestinale semble être sensible aux régimes riches en fibres alimentaires, favorables à une meilleure santé intestinale. Il est donc recommandé d'augmenter sa consommation de fruits et de légumes frais. "Nous ne savons pas si la flore est réellement réactive aux changements alimentaires, mais nous savons en tout cas qu’en adoptant une alimentation équilibrée, nous réduisons le risque de dysbiose et par conséquent, le risque d’anomalies de la flore intestinale" précise l’expert.

Une récente étude française, dirigée par Mathilde Touvier, démontre que la consommation de plats préparés et d’aliments transformés comprenant des additifs alimentaires, en particulier des émulsifiants, était associée à des risques cardiovasculaires ainsi qu'à une modification de la flore intestinale. Les aliments hyper-transformés sont donc capables de changer le microbiote. Il est préférable de les éviter ou de limiter fortement leur consommation.

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Examens et diagnostic 

L’étude du microbiote intestinal est complexe. "Le séquençage du matériel génétique requiert l’extraction de l’ADN des bactéries. Grâce à cette technique, nous connaissons un certain pourcentage de la composition de la flore, mais nous ne connaissons pas l’ensemble. Nous n’avons que des notions fragmentaires sur la structure de la flore intestinale et la fonction exacte des bactéries qui la composent" révèle Dominique Gauguier. 

En cas de suspicion de maladies intestinales par exemple, des marqueurs inflammatoires spécifiques peuvent être recherchés. L’examen bactériologique des selles ou coproculture permet parfois d’orienter un diagnostic. 

Traitements et prévention 

Antibiotiques

En cas d’infections bactériennes, des antibiotiques à large spectre sont le plus souvent prescrits. Le respect de la posologie et de la durée du traitement est primordial afin d’éviter le phénomène d’antibiorésistance. "L’un des enjeux de l'antibiothérapie est la résistance aux antibiotiques, phénomène extrêmement préoccupant, car nous sommes déjà plutôt limités dans les antibiotiques pouvant être utilisés".

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Transplantation fécale

La transplantation fécale est une piste thérapeutique prometteuse. Elle est même efficace pour traiter les diarrhées causées par l’infection Clostridioides difficile. "Dans les maladies inflammatoires de l’intestin, comme la maladie de Crohn, le transfert de flore intestinale a l’air d’améliorer les symptômes".

Dans le cas du syndrome de l'intestin irritable, les effets de la transplantation fécale sont controversés.

NON aux régimes, OUI à WW !

Prévention : comment préserver son microbiote ?

"En prévention, en fin de compte, l’idéal serait de posséder un stock de flore bénéfique qui nous profite lorsque nous en sommes en bonne santé, et de se servir de nos propres réserves en cas de dysbiose", ironise le Pr Dominique Gauguier. "Plus sérieusement, prendre soin de sa santé intestinale, c’est prendre soin de sa santé générale au quotidien à l’aide d’une bonne alimentation, mais aussi de probiotiques après une antibiothérapie” conclut le chercheur.

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Sources

Entretien avec le Professeur Dominique Gauguier, chercheur Inserm au laboratoire Toxicité environnementale cibles thérapeutiques signalisation cellulaire et biomarqueurs.

Sources

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