Dysbiose : symptômes, conséquences, comment la soigner ?

 Florence Daine
Florence Daine Journaliste nutrition
Publié le  , mis à jour le 

La dysbiose se définit comme une altération de la symbiose existant entre un être humain et son microbiote intestinal. Elle se caractérise par un déséquilibre ou une faible diversité du microbiote, pouvant favoriser le développement de multiples maladies. Pour la contrer, différentes stratégies sont à l’étude. Les chercheurs s’accordent sur l’intérêt d’un régime alimentaire riche en végétaux et en aliments fermentés. 

Autrefois appelé : "flore intestinale", le microbiote intestinal, composé de plus de 100 000 milliards de microorganismes (principalement des bactéries) est désormais considéré par les chercheurs comme un organe à part entière. Très largement impliqué dans notre état de santé, il contribue au développement et à la maturation du système immunitaire, il protège des infections en empêchant des microbes dangereux de pénétrer dans notre organisme ("effet barrière"), il digère des composés (comme les fibres) non dégradables par les enzymes digestives humaines, il produit des vitamines B et K. Il interagit avec d’autres organes, notamment le cerveau (il est d’ailleurs parfois qualifié de "second cerveau"). Chaque individu a un microbiote qui lui est propre, plus ou moins diversifié et dont les espèces bactériennes dominantes sont variables.

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De multiples travaux scientifiques font un lien entre développement de maladies chroniques et composition du microbiote. La dysbiose a d’abord été définie comme son déséquilibre (présence excessive de bactéries défavorables à la santé) ou sa faible diversité (faible nombre d’espèces bactériennes différentes). En réalité, explique Joël Doré, directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae), qui a largement contribué à l’évolution des connaissances sur le sujet, "la dysbiose est une altération de la symbiose entre l’hôte (l’être humain) et le microbiote"1. Il existe en effet une interdépendance entre les cellules humaines et les bactéries. "En échange" de leurs fonctions bénéfiques, ces dernières profitent d’un environnement stable pour se développer (température favorable, apport de nutriments qui les nourrissent…). Même si la démonstration n’en a pas encore été faite, les gènes humains pourraient même moduler la composition du microbiote. Dans un travail récent mené au Royaume-Uni sur des jumeaux, des chercheurs ont identifié des souches bactériennes dont l’abondance semblait liée aux gènes des volontaires inclus dans l’étude2.

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Définition : qu'est-ce qu'une dysbiose intestinale et quels en sont les signes ? (Dépression, inflammation cutanée...)

La dysbiose se définit comme une altération de la symbiose existant entre un être humain et son microbiote intestinal. Elle se caractérise par un déséquilibre ou une faible diversité du microbiote, pouvant favoriser le développement de multiples maladies. Elle peut se manifester par :

  • Des troubles intestinaux : gaz, ballonnements, constipation diarrhée, maux de ventre ;
  • Un reflux gastro-oesophagien ;
  • Des problèmes cutanés : acné, eczéma, urticaire, prurit ;
  • Une maladie inflammatoire : arthralgie, fibromyalgie, lombalgie.

Dysbiose : quels liens entre le microbiote intestinal et la santé ?

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Les dernières décennies ont été marquées par une forte augmentation de l’incidence de maladies chroniques : obésité, diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, maladies neurodégénératives (par exemple, la maladie d’Alzheimer), allergies ou auto-immunes (des maladies au cours desquelles l’organisme produit des anticorps contre ses propres tissus) comme les maladies intestinales chroniques de l’intestin (MICI), la sclérose en plaques, le diabète de type 1… "Le point commun à ces pathologies est la perte de richesse du microbiote, associée à une augmentation de la perméabilité de l’intestin, de l’inflammation et du stress oxydatif", indique Joël Doré. "Ces éléments fonctionnent en cercle vicieux et signent la dysbiose". La relation de causalité entre le microbiote et ces maladies est bien démontrée chez le rongeur : le transfert du microbiote de malades à des souris en bonne santé permet de reproduire les symptômes de l’obésité, des MICI, de certaines maladies du foie ou neuro-dégénératives. A l’inverse, chez l’humain, le transfert du microbiote de sujets sains à des sujets malades peut réduire ou supprimer les symptômes des MICI ou de l’autisme. Autre conséquence envisagée d’une dysbiose : "la non-réponse aux immunothérapies dans le cancer"1.

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Les travaux se multiplient chez l’humain pour comprendre comment la dysbiose favorise ou entretient les maladies et pour explorer des stratégies thérapeutiques basées une modulation du microbiote. En voici quelques exemples :

  • Concernant les maladies du foie, des chercheurs français ont constaté qu’à consommation d’alcool excessive équivalente, seules les personnes affectées par une dysbiose développent une hépatite aigüe. A contrario, la présence au sein du microbiote de certaines espèces bactériennes (notamment de Feacalibacterium) apparaît protectrice. De même, une dysbiose pourrait favoriser le développement d’une stéatohépatite non alcoolique (accumulation de graisses au niveau du foie s’accompagnant d’une inflammation)3 ;
  • Les MICI, maladie de Crohn ou recto-colite hémorragique, se caractérisent par des lésions inflammatoires de la muqueuse digestive et des anomalies de la réponse immunitaire, probablement dirigée contre certains microorganismes du microbiote. De leur côté, ces derniers entretiennent les lésions intestinales en produisant des composés pro-inflammatoires. Des études indiquent que le microbiote des personnes affectées par une MICI est composé pour 20 à 30% de bactéries absentes du microbiote des personnes en bonne santé4 ;
  • Le rôle d’une dysbiose précoce est quasiment certain dans le développement des allergies de l’enfant. Ces dernières sont beaucoup plus fréquentes chez les enfants nés par césarienne, ayant reçu de nombreux traitements antibiotiques ou n’ayant pas été allaités, autant de facteurs qui affectent la composition du microbiote. Elles sont associées à une proportion élevée de bactéries favorisant l’inflammation. Le déséquilibre entre espèces bactériennes serait à l’origine d’une augmentation de la perméabilité de la muqueuse digestive, donnant la possibilité à des allergènes alimentaires de pénétrer facilement dans l’organisme5.
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Dysbiose : quelles en sont les causes ?

Selon Joël Doré, la dysbiose observée chez certains peut s’expliquer par des modifications récentes du mode de vie, survenues seulement en deux ou trois générations : augmentation des naissances par césarienne et de l’hygiène néonatale, passage à un régime "à l’occidental" appauvri en végétaux, exposition à de multiples toxiques présents dans l’environnement1.

La naissance par césarienne

La colonisation bactérienne du tube digestif d’un bébé commence dès la naissance au moment de la rupture des membranes fœtales et peut-être même in utero. Tandis qu’un enfant né par voie basse reçoit les germes de sa mère, un enfant né par césarienne voit son intestin se peupler des bactéries présentes dans l’environnement. Or, bien que le microbiote évolue durant les premiers mois de vie, il peut conserver le profil microbien des premières semaines. Le microbiote des enfants nés par césarienne se caractérise par une faible proportion de Bifidobacterium (qui sont abondants au sein du microbiote des enfants nés par voie basse). Le suivi de plusieurs cohortes d’enfants associe la naissance par césarienne à un risque accru d’allergie, d’obésité ou de diabète de type 16.

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L’hygiène néo-natale

Les mesures d’hygiène en vigueur en puériculture ont considérablement réduit l’exposition des nourrissons aux microbes et aux infections. Un bien pour un mal, qui a un impact sur la composition du microbiote et pourrait bien induire un dysfonctionnement du système immunitaire. Plus de 40 études dans le monde montrent que des nourrissons élevés à la ferme, en contact avec des vaches et consommant du lait cru, développent moins d’asthme ou d’allergies alimentaires7.

L’alimentation durant les premiers mois de vie

Les nourrissons nourris avec une préparation infantile ont un microbiote différent de ceux qui sont allaités : comportant plus de bactéries de la famille des Firmicutes et moins de celles des Bactéroidetes8. Le lait maternel contient à la fois des microorganismes et des galacto-oligosaccharides, des glucides spécifiques qui sont des facteurs de croissance des Bifidobacterium intestinaux et stimulent le développement précoce du système immunitaire. Les fabricants de formules infantiles commencent d’ailleurs à en enrichir certains de leurs produits6. Même si ce n’est pas totalement démontré, l’allaitement est considéré comme protecteur contre les allergies8.

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Les traitements antibiotiques

Destinés à éliminer les microbes dangereux en cause dans les infections, les antibiotiques détruisent aussi une partie du microbiote et entraînent une dysbiose au moins passagère. Selon plusieurs études, leur prise précoce ou répétée durant les premiers mois de vie pourrait orienter définitivement le profil du microbiote6. Par exemple, dans une cohorte de plus de 11 500 enfants nés au Royaume-Uni et suivis pendant 7 ans, la prise d’antibiotiques au cours des 6 premiers mois de vie est associée à un surpoids s’installant entre l’âge de 10 mois et 3 ans9. L’antibiothérapie a aussi été mise en cause dans l’augmentation du risque d’entérocolite ulcéro-nécrosante chez le nouveau-né prématuré, en relation avec la perturbation du microbiote10. Chez les enfants plus grands ou les adultes, à la suite d’un traitement antibiotique, le microbiote met 1 à 2 mois à se reconstituer. Mais lorsque les traitements sont fréquents et rapprochés, une dysbiose peut s’installer définitivement6.

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D’autres médicaments

Outre les antibiotiques, d’autres médicaments peuvent avoir un impact sur la composition du microbiote : 250 molécules sur un total de 923 testées en 2018 par des biologistes allemands11 ! Par exemple, certains antiacides (de type ésoméprazole, oméprazole…) utilisés contre les brûlures d’estomac, qui permettent à des bactéries ne résistant pas à l’acidité de coloniser le tube digestif. Ou encore, la metformine, traitement courant du diabète de type 2, dont une partie de l’efficacité serait liée aux modifications du microbiote qu’elle occasionne (qui se traduisent fréquemment par de la diarrhée)12. Certains anti-inflammatoires, anti-thrombotiques, anti-arythmiques et antipsychotiques sont également concernés11.

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L’exposition à des toxiques

De nombreuses substances chimiques pourraient s’avérer toxiques via leur impact sur la composition du microbiote. Les principaux travaux sur le sujet sont pour le moment effectués sur des rongeurs. Des études récentes concernent par exemple les nanoparticules, des composés dont les applications industrielles sont multiples et qui sont depuis une quinzaine d’années largement utilisés par l’industrie agro-alimentaire. Un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) publié en mai 2020 indique qu’ils peuvent être présents dans certains additifs alimentaires, emballages (avec le risque de migrer dans les aliments) ou compléments alimentaires13. Des chercheurs de l’Unité "Toxalim" à l’Inrae de Toulouse se sont intéressés au nano-argent, qui est utilisé pour améliorer la conservation des aliments : administré à des souris, il induit des modifications quantitatives et qualitatives du microbiote, avec une augmentation des Firmicutes et une diminution des Bacteroidetes (modification similaire à celle observée chez des humains obèses). Le dioxyde de titane (ou E 171, colorant de couleur blanche), induit le même type de déséquilibre, assorti d’une augmentation des Proteobacteria, qui est considérée comme un marqueur de dysbiose14. Suspecté en outre d’être cancérogène, son utilisation dans les aliments a été suspendue en France au moins jusqu’au 31 décembre 2020.

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Le régime alimentaire

L’analyse des différents modes alimentaires et des microbiotes associés montre que les régimes traditionnels, riches en végétaux, fruits et légumes frais et secs, céréales, sont les plus favorables à la diversité du microbiote15. Une forte réduction de ces aliments qui apportent des glucides servant de carburant à certaines bactéries (régime pauvre en FODMAPs) aboutit en 3 semaines à un appauvrissement du microbiote16. L’importance de l’alimentation est illustrée par des comparaisons du microbiote de populations au mode de vie différent, par exemple les Amérindiens et les Américains17.

Le régime occidental, pauvre en végétaux et riche en viandes, graisses animales, sucres et aliments industriels ultra-transformés contenant des additifs, favorise la dysbiose et le développement de microorganismes défavorables : les Firmicutes, impliqués par certaines études dans le surpoids et le diabète de type 2, les Escherichia Coli, dont l’excès peut être à l’origine d’infections, ainsi que d’autres bactéries mises en cause dans le développement de l’athérosclérose (altération des artères en lien avec des phénomènes inflammatoires) ou de la stéatohépatite non alcoolique15. De plus, des chercheurs français de l’Inrae ont montré (chez la souris) que certains additifs de la catégorie des émulsifiants (notamment le polysorbate 80 ou E433 et le carboxyméthylcellulose ou E468), induisent une altération de la muqueuse intestinale et de l’inflammation18.

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Le vieillissement

Le microbiote de la plupart des personnes âgées s’appauvrit en bactéries bénéfiques telles que les Bifidobacterium et s’enrichit en Enterobacteria, qui peuvent être à l’origine d’infections. Globalement, il perd en diversité, ce qui induit une augmentation de la perméabilité intestinale et affecte le fonctionnement du système immunitaire avec une augmentation des processus inflammatoires. Les chercheurs pensent que la dysbiose favorise les troubles associés à l’avancée en âge, y compris les troubles du comportement et la fonte musculaire. Néanmoins, certains centenaires et "super-centenaires" (âgés de 105 à 109 ans) conservent un microbiote favorable à la santé (riche en Bifidobacterium, en Akkermansia…), qui pourrait expliquer, au moins en partie, leur longévité et leur "vieillissement réussi"19.

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D’autres facteurs, tels que le stress chronique ou le tabagisme contribuent très probablement à la dysbiose. Cette dernière pourrait donc être prévenue, au moins dans certains cas, par une bonne hygiène de vie, le retour à certaines pratiques en perte de vitesse comme l’allaitement ou des changements de comportement, tels qu’un usage raisonnable des médicaments (éviter l’automédication, respecter la posologie et la durée du traitement).

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Comment soulager une dysbiose et s'en débarrasser ?

La correction de la dysbiose compte parmi les perspectives thérapeutiques de nombreuses maladies. Différentes stratégies ont déjà été testées.

Quelle alimentation en cas de dysbiose ?

Deux équipes de chercheurs français ont testé l’effet d’une alimentation riche en fibres. Dans l’étude MicroObese, des personnes en surpoids ou obèses ont suivi un régime moyennement restrictif (1200 à 1500 kcal par jour), riche en protéines, en fibres et en glucides d’assimilation lente pendant 6 semaines. Chez celles dont le microbiote était pauvre au début de l’étude, une amélioration de 30% de la diversité bactérienne a été constatée. Néanmoins, ce changement n’a pas permis de réduire autant l’insulino-résistance (moindre efficacité de l’insuline) ou le taux de triglycérides sanguins que pour les personnes dont le microbiote était diversifié au début de l’étude20. Dans un travail de l’Inrae et du Centre de Recherche en Nutrition Humaine Rhône-Alpes, des adultes en bonne santé ont expérimenté un régime équilibré apportant 40 g de fibres par jour (l’apport quotidien conseillé à la population française est de 30 g) : en seulement 5 jours, le profil du microbiote a été favorablement amélioré, surtout chez ceux dont le microbiote initial était peu diversifié. Pour que l’amélioration persiste, le régime riche en fibres devait être maintenu21. La mise en place d’une alimentation abondante en céréales complètes, fruits et légumes frais et secs, apparaît donc comme une piste efficace pour minimiser la dysbiose, qui va de plus dans le sens des recommandations pour la population générale (Programme National Nutrition Santé en France). Ce type de régime doit cependant être adapté en cas de troubles digestifs, par exemple de syndrome de l’intestin irritable.

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En complément, certains auteurs préconisent la consommation régulière d’aliments fermentés contenant des microorganismes vivants. Yaourts et autres laits fermentés, fromages à pâte non cuite, kéfir, choucroute crue, miso (aliment traditionnel japonais), kombucha (boisson à base de thé)… fournissent principalement des Bifidobacterium et des Lactobacillus, considérés bénéfiques pour la santé22. Plusieurs études suggèrent un effet préventif des laits fermentés et en particulier du yaourt contre le diabète de type 2 (qui pourrait être lié aux propriétés anti-inflammatoires de leurs ferments)23. Les laits fermentés sont traditionnellement recommandés pour reconstituer le microbiote et prévenir la diarrhée au cours des traitements antibiotiques23,24.

Une supplémentation en prébiotiques

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Les prébiotiques sont des composés non dégradables par les enzymes digestives humaines, assimilables à des fibres, dont la consommation régulière stimule le développement ou l’activité de certaines bactéries. Les plus étudiés, l’inuline, les fructo-oligosaccharides et les galacto-oligosaccharides, augmentent la proportion de Bifidobacterium ou de Lactobacillus au sein du microbiote. Il semble aussi qu’ils stimulent les défenses immunitaires.

Une supplémentation en galacto-oligosaccharides, naturellement présents dans le lait maternel, est recommandée par l’Organisation mondiale de l’allergie aux enfants à risque allergique qui ne sont pas exclusivement allaités. De façon à consolider la stratégie de prévention des allergies de l’enfant, deux études sont en cours, utilisant des galacto-oligosaccharides et de l’inuline. L’une est menée en France par des chercheurs de l’Inrae de Jouy-en-Josas et concerne des femmes désireuses d’enfant. L’autre se déroule en Australie et est menée sur des femmes enceintes ou allaitantes5.

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Testés dans de petites études sur des personnes en surpoids, obèses, diabétiques ou souffrant de syndrome métabolique (surcharge pondérale localisée au niveau de l’abdomen associée à un diabète de type 2 et/ou une hypertension et/ou des anomalies des lipides sanguins), les prébiotiques réduisent l’inflammation et ainsi l’insulino-résistance, probablement en augmentant la proportion des bactéries à action anti-inflammatoire25,26.

Les fructo-oligosaccharides sont recommandés par l’Organisation mondiale de gastroentérologie en prévention des diarrhées à Clostridium difficile et, selon tolérance, dans le traitement du syndrome de l’intestin irritable24.

Au total, les prébiotiques apparaissent plutôt efficaces pour moduler favorablement le microbiote. Ils peuvent toutefois occasionner des troubles digestifs puisqu’ils sont fermentés par certaines bactéries. Commercialisés sous forme de compléments alimentaires, inuline et fructo-oligosaccharides se trouvent aussi naturellement dans certains aliments : ail, artichaut, asperge, banane, chicorée, oignon, poireau, salsifis, seigle.

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Quels probiotiques ?

Les probiotiques sont des microorganismes vivants ayant un effet bénéfique sur la santé démontré. Pour être en mesure de contrer une dysbiose, ils doivent résister à la digestion (certains microorganismes sont détruits par le suc gastrique ou la bile) et être ingérés régulièrement car la plupart ne s’implante pas dans l’intestin. Ils peuvent venir en renfort des bactéries du microbiote pour exercer un effet barrière contre les microbes dangereux (les empêcher de pénétrer dans l’organisme), prévenir une perméabilité excessive de la muqueuse intestinale, moduler la réponse immunitaire et minimiser les phénomènes inflammatoires. Les bactéries ayant fait l’objet d’études jusqu’à présent sont surtout des Bifidobacterium ou des Lactobacillus, identifiés à l’origine au sein d’aliments fermentés et commercialisées sous forme de laits fermentés ou de compléments alimentaires.

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L’Organisation mondiale de gastroentérologie valide l’intérêt de certaines d’entre-elles dans le traitement de la stéatohépatite, des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, du syndrome de l’intestin irritable et de la diarrhée. Pour la diarrhée, la levure Saccharomyces boulardii (Ultralevure) est également conseillée24.

Divers Bifidobacterium et Lactobacillus ont été testés chez des personnes âgées en vue de restaurer la diversité du microbiote. Ces microorganismes peuvent être utiles pour limiter les phénomènes inflammatoires associés à l’âge, stimuler les défenses immunitaires et prévenir la diarrhée liée à un excès de Clostridium difficile19.

Les chercheurs s’orientent depuis peu vers des probiotiques "de seconde génération", des bactéries isolées dans le microbiote de personnes en bonne santé. Par exemple, Akkermansia muciniphila, qui pourrait aider à restaurer la fonction barrière de l’intestin et à réduire l’insulinorésistance et l’inflammation associée1. Ou encore Hafnia alvei, qui chez des souris obèses, permet de réduire les glycémies et la masse grasse (via un effet sur l’insulinorésistance)27.

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Les probiotiques ont cependant des limites puisque leur effet est variable d’un individu à l’autre, dépendant probablement de la composition initiale du microbiote. De plus, d’une souche à l’autre, les actions sur le microbiote sont différentes (par exemple, tous les Lactobacillus casei n’ont pas les mêmes effets)1.

Enfin, les probiotiques sont contre-indiqués aux enfants ou aux adultes souffrant d’un déficit immunitaire, que ce dernier soit congénital, lié à une maladie (lymphome, leucémie…) ou à un traitement médical (immunosuppresseur, corticoïde, chimiothérapie…). Saccharomyces boulardii est aussi contre-indiquée aux enfants ou adultes porteurs d’un cathéter veineux central.

Un transfert de microbiote ou "greffe fécale"

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Cette technique consiste à inoculer le microbiote d’un donneur en bonne santé (dont on utilise les selles) à une personne malade affectée d’une dysbiose. On parle aussi de "transplantation de microbiote fécal ou TMF" ou de "greffe fécale". En France, elle est encadrée par le Groupe français de transplantation fécale (GFTF), qui a été créé en 2014 avec le support de la Société nationale française de gastroentérologie28. Les donneurs de selles sont soumis à de nombreux tests de dépistage de maladies transmissibles. La TMF est particulièrement efficace et officiellement indiquée (par le GFTF et la Société européenne de microbiologie et des maladies infectieuses) dans le traitement de l’infection à Clostridium difficile récidivante (résistant aux antibiotiques). Pour les autres maladies, elle n’en est qu’au stade de la recherche, mais fait l’objet de plus de 200 essais cliniques de par le monde dans des domaines très variés : infections liées à des bactéries hautement résistantes aux antibiotiques (autres que Clostridium difficile), maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, syndrome de l’intestin irritable, obésité, diabète, affections du foie, maladie de Parkinson, troubles bipolaires, rhumatismes inflammatoires… Ces travaux devraient permettre d’identifier plus précisément les bactéries capables de corriger la dysbiose28.

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Au total, diverses stratégies existent pour corriger la dysbiose, pouvant le cas échéant être utilisées de façon concomitante. Les résultats des études déjà menées sont prometteurs, mais des travaux complémentaires sont nécessaires, ne serait-ce que pour préciser ce qu’est un microbiote "idéal". Pour le moment, l’analyse de la composition du microbiote est effectuée dans le cadre de la recherche, mais elle n’est pas utilisée en pratique médicale courante. Des tests accessibles au grand public existent, plutôt fiables selon les gastroentérologues, mais très coûteux. Leur résultat est encore délicat à interpréter et même si c’est l’objectif à terme des chercheurs, il n’est pas encore possible de proposer une modulation personnalisée du microbiote6.

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Sources
  • 1 - Communication de Joël Doré : « Science du microbiote et nutrition préventive en 2020 » lors du congrès Diétécom, 9 mars 2020.
  • 2 - J.K. Goodrich & al. Human genetics shape the gut microbiome. Cell. 2014 ; 159 : 789-99.
  • 3 - M. Llopis & al. Intestinal microbiota contributes to individual susceptibility to alcoholic liver disease. Gut. 2016 ; 65 (5) : 830-9 (accessible en ligne).
  • 4 - P. Seksik. Probiotiques et maladies inflammatoires chroniques intestinales. CND. 2007 ; 42 (HS2) : 51-59 (accessible en ligne).
  • 5 - M. Bodinier & al. La consommation de prébiotiques par la mère limite la survenue d’allergie chez la descendance. CND. 2019 ; 54 (4) : 215-22 (accessible en ligne).
  • 6 - F. Joly & al. Lien entre les probiotiques et le microbiote : vision du clinicien. CND. 2017 ; 52 (S1) : S5-S12 (accessible en ligne).
  • 7 - Conférence du Pr Erika Von Mutius lors du Symposium « Primary prevention of allergic disease ». Congrès de l’Organisation mondiale de l’allergie. Juillet 2020.
  • 8 - Conférence du Dr Carina Venter lors du Symposium « Modulating the GI microbiota with targeted nutrition ». Congrès de l’Organisation mondiale de l’allergie. Juillet 2020.
  • 9 - L. Trasande & al. Infant antibiotic exposures and early-life body mass (accessible en ligne).
  • 10 - P.W. Lin & al. Necrotizing enterocolitis : recent scientific advances in pathophysiology and prevention. Semi Perinatol. 2008 ; 32 (2) : 70-82 (accessible en ligne).
  • 11 - L. Maier & al. Extensive impact of non-antibiotic drugs on human gut bacteria. Nature. 2018 ; 555 : 623-28 (accessible en ligne).
  • 12 - H. Wu & al. Metformin alters the gut microbiome of individuals with treatment-naive type 2 diabetes, contributing to the therapeutic effects of the drug. Nat Med. 2017 ; 23 (7) : 850-58 (accessible en ligne).
  • 13 - Anses. Nanomatériaux dans les produits destinés à l’alimentation. Rapport d’expertise collective. Mai 2020 (accessible en ligne).
  • 14 - E. Houdeau & al. Nanoparticules et alimentation : un risque émergent en santé humaine ? CND. 2018 ; 53 (6) : 312-21 (accessible en ligne). 
  • 15 - T. Pallister & al. Food: a new form of personalised (gut microbiome) medicine for chronic diseases? J R Soc Med; 2016 ; 109 (9) : 331–36 (accessible en ligne). 
  • 16 - E.P. Halmos & al. Diets that differ in their FODMAP content alter the colonic luminal microenvironment. Gut. 2015 ; 64 (1) : 93-100 (accessible en ligne).
  • 17 - J.C. Clemente & al. The microbiome of uncontacted Amerindians. Sci Adv. 2015 ; 1 : e1500183 (accessible en ligne).
  • 18 - M-C. Michalski & al. Impacts métaboliques et inflammatoires des matières grasses émulsionnées. CND. 2017 ; 52 (5) : 244-56 (accessible en ligne).
  • 19 - Communication de Rebecca Martin, chercheuse à l’Inrae de Jouy-en-Josas, lors du colloque de l’Inrae : « Alimentation périnatale, alimentation des séniors : spécificités, impact du microbiote ». Mars 2018.
  • 20 - K. Clément. Le microbiote intestinal : un nouvel acteur de la nutrition ? CND. 2015 ; 50 (6S1) : 6S22-S29 (accessible en ligne).
  • 21 - J.Tap & al. Gut microbiota richness promotes its stability upon increased dietary fibre intake in healthy adults. Environmental microbiology. 2015 ; 17 : 4954-64 (accessible en ligne).
  • 22 - M.L. Marco & al. Health benefits of fermented foods : microbiota and beyond. Current Opinion in Biotechnology. 2017 ; 44: 94–102 (accessible en ligne).
  • 23 - S. Lortal & al. Aliments fermentés & bénéfices santé : un défi pour la recherche. CND. 2020 ; 55 (3) : 136-48 (accessible en ligne).
  • 24 - World Gastroenterology Organisation Global Guidelines. Probiotics and prebiotics (accessible en ligne).
  • 25 - P.D. Cani & al. Oligofructose promotes satiety in healthy human : a pilot study. Eur J Clin Nut. 2006 ; 60 : 567-72 (accessible en ligne).
  • 26 - M. Green & al. Microbial Medicine: Prebiotic and Probiotic Functional Foods to Target Obesity and Metabolic Syndrome. Int J Mol Sci. 2020; 21 (8): 2890 (accessible en ligne). 
  • 27 - N. Lucas & al. Hafnia alvei HA4597 strain reduces food intake and body weight gain and improves body composition, glucose, and lipid metabolism in a mouse model of hyperphagic obesity. Microorganisms. 2020; 8 (1): 35 (accessible en ligne). 
  • 28 - Le site du Groupe français de transplantation fécale : https://www.gftf.fr
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