Cancer de la prostate hormonorésistants : deux années gagnées sans propagation de la maladie
Les patients atteints d’un cancer de la prostate hormonorésistants devraient bientôt bénéficier de nouveaux traitements permettant de réduire le risque de propagation de la maladie. Une étude présentée par le Pr. Karim Fizazi de Gustave Roussy montre qu’un nouveau médicament, le darolutamide, réduit de 59 % le risque que la maladie ne devienne métastatique ou le risque de décès.
Le cas particuliers des cancers de la prostate non métastatiques résistants à l'hormonothérapie
Le cancer de la prostate touche 55 000 hommes chaque année en France. L’évolution de ce cancer est le plus souvent très lente, au point que la décision de traiter dépend de l’âge du patient1. Pour les formes localisées (cancer peu avancé), le traitement est local et repose sur la curiethérapie, la radiothérapie ou la chirurgie, voire une simple surveillance active, qui permet régulièrement d’éviter un traitement inutile pour un cancer indolent. A l’inverse pour les formes les plus agressives, on associe une hormonothérapie au traitement local par la radiothérapie. L’hormonothérapie va empêcher l’action stimulante de la testostérone sur la tumeur.
Mais le plus souvent, après ce traitement local (radiothérapie, chirurgie ou curiethérapie) et un traitement hormonal qui finit par ne plus fonctionner, les patients voient leur taux de PSA repartir à la hausse tandis que la propagation de la maladie n’est pas encore visible à l’imagerie par scanner ou scintigraphie osseuse. "Pour ces patients c’est la double peine ! On leur annonce que le cancer rechute malgré l’hormonothérapie mais qu’ils doivent attendre que la maladie s’aggrave et se dissémine pour recevoir un nouveau traitement" souligne le Pr Karim Fizazi.
Jusqu’en 2018, aucune étude n’avait permis d’identifier de nouvelles options thérapeutiques pour ces patients, les nouveaux traitements concernaient uniquement les patients atteints d’un cancer métastatique. Mais aujourd’hui, plusieurs études ont permis d’offrir des options thérapeutiques à ces patients sans attendre la survenue de métastases. L’idée est toujours de bloquer l’affinité aux androgènes (hormones masculines) des cellules des cancers de la prostate.
Deux années gagnées sans propagation de la maladie avec le darolutamide
La dernière étude a été présentée par le Pr Karim Fizazi, oncologue spécialisé dans le cancer de la prostate à Gustave Roussy, lors du congrès de l’ASCO spécialisé dans les cancers génito-urinaires à San Francisco. Baptisée ARAMIS, cette étude débutée en 2014 a testé l’efficacité du darolutamide, un nouvel inhibiteur du récepteur aux androgènes sur 1509 hommes dans 409 centres de 36 pays.
Tous les patients étaient atteints d’un cancer de la prostate non métastatique ayant reçu un traitement local et devenus résistant à l’hormonothérapie conventionnelle. Leur taux de PSA était supérieur ou égal à 2 ng/ml et doublait rapidement (10 mois ou moins) au moment de l’inclusion. La vitesse d’augmentation du PSA est un critère de mauvais pronostic pour ces patients, la maladie risquant de devenir métastatique dans les deux années suivantes. Les patients ont été aléatoirement répartis (ratio 2:1) entre un groupe darolutamide (2 comprimés de 300 mg) et un groupe placebo (étude en double aveugle : ni le patient, ni le médecin ne savait si le comprimé était un comprimé actif ou un placebo). Le traitement hormonal conventionnel était maintenu.
Résultat : Le darolutamide est associé à une réduction de 59 % du risque de métastases ou de décès. La médiane de survie sans métastase est de 40,4 mois avec le darolutamide contre 18,4 mois pour le placebo. La survie globale, le délai avant l’apparition des douleurs, avant le recours à une chimiothérapie… "Le bénéfice global pour les patients est un gain de près de deux années supplémentaires sans propagation de la maladie. De plus, tous les patients semblent en bénéficier de manière équivalente, il n’existe pas de sous-groupes" précise le Pr Fizazi.
De plus, le médicament apparaît bien toléré par les patients avec des effets secondaires sensiblement identiques au placebo : fatigue (12 % des patients avec le darolutamide contre 9 % avec le placebo), douleurs (9 % dans les deux cas), diarrhée (7 % contre 6 %), hypertension (7 % versus 5 %), chutes (4 % versus 5 %) ou fractures (4 % dans les deux cas).
De nouvelles armes contre les cancers non métastatiques hormonorésistants
En moins d’un an, trois études évaluant trois inhibiteurs du récepteur aux androgènes de nouvelle génération chez ce type de patients ont donné des résultats positifs : l’enzalutamide ou Xtandi © (essai PROSPER), l’apalutamide (essai SPARTAN) et donc le darolutamide (essai ARAMIS). Les oncologues bénéficient désormais de nouvelles armes pour ces patients, le choix du traitement le plus appropriés se fera sur les critères d’efficacité et de tolérance. Par rapport aux deux autres médicaments qui présentent des effets secondaires moins anodins (plus de fatigue, de troubles cognitifs, de chutes, de fractures et d’hypertension artérielle), le darolutamide possède quelques avantages.
Faute de disposer d’études comparatives et/ou de recommandations de bonnes pratiques pour ces tumeurs, le choix du traitement devrait découler d’une discussion entre patients et oncologues.