Le boeuf ne fera plus l'andouille
En octobre 2000, le gouvernement s'est rangé à l'avis des experts de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) : tous les boyaux de bovins, quel que soit leur âge, seront désormais interdits à l'alimentation humaine et animale.
Après la disparition dans nos assiettes de la cervelle, de la moelle, des yeux, de la rate, du thymus et plus récemment de l'iléon (une portion d'intestin grêle), c'est de ses quarante mètres d'intestin qu'est désormais amputé le boeuf, pour cause de vache folle. Cette décision du gouvernement, rendue publique le 11 octobre 2000, marque une nouvelle étape dans l'application du principe de précaution, et met fin à une longue controverse.
Le casse-tête des intestins
En mai 2000, après près d'un an de discussions avec le gouvernement, l'Afssa approuve un projet d'arrêté prévoyant l'interdiction d'utiliser en charcuterie les intestins de bovins. Arguments : ceux-ci et en particulier l'iléon (une portion d'environ 1,5 mètres) contiennent des tissus lymphoïdes et nerveux potentiellement contaminés par l'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB). Dans la liste noire des "matériaux à risque spécifiés" établie en 1996, seuls les bovins nés avant le 31 juillet 1991, date à laquelle l'interdiction des farines animales était censée être devenue réalité, étaient concernés. La proposition de mai 2000 étend la mesure à ceux nés avant mai 1999, les spécialistes admettant que des farines contaminées ont pu circuler jusqu'à cette date. Au final, en juin 2000, seule l'interdiction de l'iléon, considéré comme la partie la plus à risque, est retenue..
L'andouille de Vire, une spécialité 0 % boeuf
Parallèlement, le gouvernement demande aux experts de l'Afssa d'évaluer l'efficacité d'une technique de nettoyage industriel des intestins, le délimonage. Leur réponse vient de tomber dans un avis, ce procédé ne peut garantir l'élimination d'éventuels prions. L'Afssa a donc demandé l'exclusion de l'intégralité des intestins, et ce, nouvelle valse des dates, quel que soit l'âge de l'animal. Selon son directeur, Martin Hirsch, il n'est en effet «pas possible de proposer une date particulière dans la mesure où il n'existe pas aujourd'hui de certitude que 100 % des farines soient totalement inactivées». Le gouvernement a immédiatement entériné cet avis. En pratique, la décision n'est pas anodine : 20 000 tonnes de charcuterie sont concernées en France. De l'intestin de boeuf peut, en effet, enrober andouilles, andouillettes, cervelas et saucissons.
Certains professionnels ont donc tenu à rassurer immédiatement leurs clients : nul gramme de boeuf ne rentre dans la «véritable» andouille de Vire, idem pour la saucisse de Morteau, le Jésus et la rosette de Lyon. Les autres producteurs auront le choix entre trois options pour leurs boyaux : synthétiques ; issus d'autres espèces type porc, mouton ou cheval ; ou en provenance de bovins importés de pays indemnes de la vache folle.
Un risque de contamination minime… mais pas nul
Reste une question essentielle pour le consommateur : a-t-il pu contracter la nouvelle forme de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (nv-MCJ) en mangeant de la charcuterie ? Selon les spécialistes, le risque n'est pas nul mais il reste minime. D'abord, l'intestin serait nettement moins infectant que la moelle. Ensuite, le danger est plutôt derrière nous : les hamburgers importés d'Angleterre il y a quelques années étaient sûrement plus dangereux que les andouillettes d'aujourd'hui !