Ostéocondensation : d’où vient cette augmentation de la densité osseuse ?

Ariane Langlois
Ariane Langlois Journaliste spécialisée en santé et psychologie
Publié le  , mis à jour le 
en collaboration avec Karine Briot (professeur de rhumatologie)

L’ostéocondensation regroupe diverses maladies osseuses qui se caractérisent par une augmentation de la densité systémique ou focale du squelette. Cette anomalie peut être située à différents endroits du corps : au niveau des hanches, des vertèbres et même du crâne. De nombreuses causes peuvent expliquer la condensation osseuse : le Dr Karine Briot, professeur de rhumatologie à l’hôpital Cochin, nous en dit plus.

Définition

Lors d’une radiographie ou d’une densitométrie osseuse, il n’est pas rare de trouver une condensation osseuse (ou ostéocondensation). Cette augmentation de la densité osseuse est souvent un artéfact au rachis lié à une arthrose chez la personne âgée. Mais d’autres causes, locales ou générales (cancer, myélofibrose, hémopathie…), peuvent aussi être à l’origine de cette anomalie et nécessitent une prise en charge spécifique. La recherche génétique a également identifié des mutations de certains gènes donnant lieu à des condensations osseuses génétiques diffuses (maladies monogéniques en rapport avec une altération des gènes LRP4, LRP5 et SOST), mais nombre d’entre elles restent encore à découvrir. La densitométrie est l'examen le plus précis pour affirmer ce diagnostic : elle permet en effet de quantifier cette hyperdensité osseuse, parfois très élevée.

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Qu’est-ce que l’ostéocondensation ?

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L'ostéocondensation (également appelée "condensation osseuse" ou "hyperdensité osseuse") désigne une augmentation anormale de la densité des os. Elle regroupe des maladies osseuses constitutionnelles de grande diversité génétique, qui ont toutes pour caractéristique une fabrication excessive de la densité systémique ou focale du squelette. "Ces maladies sont liées à des mutations de nombreux gènes qui régulent (bloquent ou activent) - de manière directe ou indirecte - la biologie des cellules osseuses et leurs interactions", explique le Pr Karine Briot, professeur de rhumatologie à l’hôpital Cochin à Paris, présidente du Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (GRIO).

L’augmentation de cette densité peut être liée à un défaut de résorption osseuse ou à une augmentation de la formation osseuse. Elle peut également survenir après une maladie primaire (tumeur) ou secondaire du tissu osseux (métastases), mais aussi avoir une origine non tumorale (arthrose par exemple).

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Hanche ou genou ?

"L’ostéocondensation peut être localisée (on parle alors d’ostéocondensation focale) ou diffuse. Cette anomalie peut toucher tout le squelette, sur un os ou sur tous les os". Fréquemment, on observe une localisation au niveau des hanches ou des vertèbres (rachis). Mais elle peut aussi se rencontrer dans d’autres parties osseuses.

Par ailleurs, il n’existe pas de définition consensuelle de l’hyperdensité osseuse. Les scores varient selon les auteurs des études sur le sujet. Les auteurs d’une large étude anglaise sur le sujet ont cependant trouvé une prévalence de l’hyperdensité osseuse de 5/1000. Dans la moitié de ces cas, l’hyperdensité osseuse est à une arthrose rachidienne ou à des calcifications vasculaires.

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Focale ou diffuse, quelles différences ?

L’ostéocondensation focale

Elle concerne le plus souvent des métastase(s) à distance d'une tumeur maligne, par exemple le cancer du sein chez la femme ou au cancer de la prostate chez l'homme. "La condensation osseuse peut aussi résulter de métastases multiples, extensions à l'os d'un cancer solide à distance (par exemple, le cancer de la prostate)", poursuit le Pr Karine Briot. Elle est aussi visible en cas d’ostéosarcome (tumeur primitive de l'os touchant principalement les enfants et les adolescents) ou de maladie de Hodgkin, cancer du système lymphatique. Cette augmentation de la densité osseuse peut également coïncider avec la présence d'une tumeur bénigne de l'os (comme la dysplasie fibreuse).

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Il existe aussi des causes infectieuses : comme l'ostéomyélite chronique, infection osseuse bactérienne concernant les os longs, ou encore la spondylodiscite, ou infection des vertèbres. "Mais surtout, l'ostéocondensation est fréquemment dans les manifestations radiologiques liées à l'arthrose, qui résulte de la dégradation du cartilage qui recouvre les extrémités des os au niveau des articulations", précise la spécialiste.

L’ostéocondensation diffuse

On parle d’ostéocondensation diffuse lorsque tous les os sont concernés. La forme diffuse peut être d’origine génétique ou acquise. Fluorose osseuse (maladie liée à une accumulation excessive de fluor dans l'organisme), mastocytose (prolifération anormale de mastocytes et accumulation dans un ou plusieurs organes), myélofibrose (pathologie qui concerne la moelle osseuse) ou ostéopétrose (maladie des "os de marbre") sont ainsi souvent décelées.

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Condensation osseuse : pourquoi, quelles sont les causes ?

Les causes de l’ostéocondensation, bénignes ou malignes, locales ou générales, sont multiples. On les distingue d’emblée selon leur origine tumorale ou non. Mais la cause principale de condensation osseuse localisée est essentiellement l'arthrose.

Ostéocondensation et arthrose

L’ostéocondensation est en effet un des signes qui permettent d’attester la présence d’une arthrose. Il peut aussi y avoir un pincement articulaire, des géodes dans l’os adjacent au cartilage (os sous-chondrale), des becs de perroquet aux extrémités de l’articulation…

L’arthrose résulte de la dégradation du cartilage qui recouvre les extrémités des os au niveau des articulations. Elle peut apparaître à la hanche, au genou, aux doigts et orteils, à la colonne vertébrale, etc. ; et est visible lors d’une radiographie.

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D’autres causes peuvent expliquer l’ostéocondensation :

  • Une ou des métastase(s) à distance d'une tumeur maligne ;
  • Une tumeur bénigne de l'os, comme la dysplasie fibreuse ;
  • Un ostéosarcome, une tumeur primitive de l'os chez les enfants et les adolescents ;
  • La scoliose ;
  • Des calcifications...

Des causes infectieuses comme :

  • L’ostéomyélite chronique, infection osseuse bactérienne concernant les os longs ;
  • La spondylodiscite ou infection des vertèbres ;
  • L'ostéocondensation peut également se voir chez des patients qui ont une fluorose osseuse (maladie des os de pierre ou de "marbre") ou encore une myélofibrose.

Des pathologies métaboliques telles que :

  • La mastocytose ;
  • L’hépatite C ;
  • La maladie de Paget ;
  • L’ostéomalacie hypophosphatémique ;
  • Les hyperparathyroïdies primaires ou secondaires.
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Il y a aussi d’autres atteintes spécifiques :

Les ostéocondensations par anomalie ostéoclastique les plus fréquentes :

  • La pycnodysostose ;
  • La dysplasie métaphysaire condensante ;
  • L’ostéomésopycnose ;
  • L’ostéopétrose.

Les ostéocondensations par anomalie ostéoblastique (elles affectent majoritairement le crâne et les os longs) :

  • Sclérostoses et la maladie de Van Buchem ;
  • L’ostéosclérose ou hyperostose endostéale et maladies associées ;
  • L’ostéopathie striée ;
  • L’ostéopoïcilie ;
  • La mélorhéostose ;
  • Maladie de Camurati-Engelmann.

Cas particuliers :

La condensation osseuse peut être associée à un processus expansif intra-osseux de développement plus ou moins rapide : celui-ci correspond à la réaction de reconstruction face à l’agression tumorale. C’est le cas par exemple pour l’ostéome ostéoïde, l’hémangiome, l’ostéoblastome, la métastase condensante…

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Enfin, certains cas d’hyperdensité osseuse pourraient être expliqués, au moins en partie, par l’obésité morbide.

Cette liste n’est pas exhaustive !

Ostéocondensation ou ostéosclérose ?

Les deux termes sont liés. L’ostéosclérose est une pathologie : ce type d'ostéoporose implique un durcissement anormal de l'os et entraîne une hyperdensité osseuse (donc une ostéocondensation).

Qui sont les personnes touchées ?

L’ostéocondensation peut toucher des personnes de tous les âges. "Tout dépend si l’on est en présence d’une ostéocondensation localisée ou diffuse", note la rhumatologue. Toutefois, parce qu’elle est plus fréquemment constatée dans le cadre de l’arthrose, on la retrouve a fortiori plus couramment chez les personnes âgées.

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Douleurs, symptômes : comment identifier l'ostéocondensation ?

L’ostéocondensation, en tant que telle, ne peut être identifiée par des symptômes spécifiques. C’est la pathologie qui est à l’origine de cette augmentation de la densité osseuse qui entraîne des signes visibles chez le patient. "Les causes génétiques sont symptomatiques", précise le Pr Karine Briot. "Dans le cas de l’ostéopétrose par exemple, différents signes sont repérables : des troubles de l’audition, de la vision, des compressions des nerfs… Ils doivent interpeller chez l’adulte jeune".

Le plus souvent, la plainte est toutefois consécutive à l’arthrose.

Les symptômes de l’arthrose

Dans le cas de l’arthrose, les symptômes varient selon les articulations concernées :

  • L’arthrose vertébrale : elle est le plus souvent asymptomatique, en particulier pour l'arthrose du rachis cervical. Les lésions radiologiques peuvent apparaître dès 25 ans.
  • L’arthrose de la hanche (ou coxarthrose) : elle se manifeste par une douleur à l'aine qui irradie la face intérieure de la cuisse jusqu'au genou, et s’accompagne d’une boiterie précoce.
  • L'arthrose du genou (ou gonarthrose) : elle provoque une douleur mécanique, qui survient en journée mais ne réveille pas la nuit.
  • L'arthrose à l'épaule est beaucoup plus rare.
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Examens : comment poser un diagnostic ?

L’interrogatoire du médecin, l’examen clinique et les explorations biologiques permettent d’identifier les principales causes d’hyperdensité osseuse. "Les radiographies standards et la tomodensitométrie achèvent ensuite de mettre en évidence ces anomalies de densité osseuse et de déterminer si l’atteinte est locale ou diffuse", détaille la spécialiste.

Dans un premier temps, il est recommandé de réaliser des radiographies du rachis lombaire (face et profil, bassin de face) si l’hyperdensité osseuse est localisée au niveau du rachis), puis des hanches de face et de profil, si l’hyperdensité osseuse est localisée de la hanche. L’analyse ostéodensitométrique est également essentielle : elle permet en effet de quantifier l’hyperdensité osseuse et de distinguer les hyperdensités osseuses locales des hyperdensités osseuses généralisées (fémur total et rachis lombaire, voire corps entier).

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Ces examens permettent par exemple de révéler des métastases condensantes de cancer de la prostate ou du sein, une vertèbre "ivoire" de la maladie de Paget ou du SAPHO, de la sarcoïdose ou d’un lymphome, ou encore le POEMS syndrome….

"Dans un second temps, d’autres examens d’imagerie peuvent être demandés dans le cadre d’un diagnostic de cancer en particulier : scanner et/ou IRM et/ou scintigraphie osseuse, avec bilan sanguin phosphocalcique et inflammatoire (NFS, CRP, calcémie, albuminémie ou électrophorèse des protéines sériques et CRP) etc. ", ajoute le Pr Karine Briot.

Dans la majorité des cas, l’analyse attentive des images radiologiques et/ou de densitométrie osseuse met en évidence une étiologie liée à un artéfact (arthrose rachidienne, scoliose avec arthrose, calcifications vasculaires de l’aorte abdominale, hyperostose vertébrale comme la maladie de Forestier, spondylarthrite ankylosante avec syndesmophytes ou présence de matériel tel qu’une prothèse vasculaire, des clips de chirurgie digestive, une vertébroplastie…). "Si la cause locale est écartée, on recherchera ensuite des hyperdensités osseuses diffuses et acquises, c’est-à-dire touchant plusieurs os (maladies de la moelle notamment). Elles sont plus rares, mais les diagnostics à évoquer sont plus nombreux", soulève la spécialiste. Myélofibrose, mastocytose et ostéosclérose diffuse liée à une ostéodystrophie rénale sont les plus fréquentes. L’hyperdensité osseuse de la fluorose ou de l’hépatite C, quant à elles, sont exceptionnelles.

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"Si certains éléments cliniques et paracliniques laissent suspecter une atteinte génétique (ostéopétrose, anomalie de la formation osseuse…), le patient sera enfin orienté vers une consultation de génétique" précise notre expert.

Traitement : comment soigner une ostéocondensation ?

Il n’y a pas de traitement spécifique aux maladies ostéocondensantes. Le traitement dépend donc essentiellement de la cause responsable de l’ostéocondensation (traitement du cancer par exemple, dans le cas d’une cause tumorale). "Quand il s’agit d’une cause génétique généralisée, il n’y a pour l’instant pas de traitement possible", précise la rhumatologue.

Dans le cas de l'arthrose, qui est une des causes les plus fréquentes de condensation osseuse localisée, voici ce qui peut permettre de soulager la douleur :

  • Une prise d’antalgiques, associée si besoin à une prise d’anti-inflammatoires de courte durée (des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) seront dans ce cas prescrits pour protéger l'estomac).
  • Des anti-arthrosiques symptomatiques d'action lente (ou AASAL) : utiles pour soulager les symptômes, mais sans action sur l’évolution de l’arthrose.
  • Une infiltration (injection de cortisone) en cas de poussée congestive : elle peut être réalisée dans ou autour de l'articulation concernée.
  • Selon la localisation, des injections d’acide hyaluronique (par exemple, pour le genou), dans le but de retarder une éventuelle intervention.
  • La pose d'une prothèse de la hanche ou d'une prothèse unicompartimentaire dans le genou, en dernier recours.
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Quid de la prévention ?

La prévention de l’ostéocondensation n’est pas possible. "Le plus important de bénéficier d’un diagnostic précoce, pour pouvoir prendre en charge la pathologie qui est en jeu", conclut le Pr Karine Briot.


Sources
  • Entretien avec le Pr Karine Briot, professeur de rhumatologie à l’hôpital Cochin à Paris, présidente du Groupe de recherche et d’information sur les ostéoporoses (GRIO).

www.grio.org

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