Tentative de suicide : Que faire si un proche a essayé de mettre fin à ses jours ?
La France présente l'un des taux de suicide les plus importants d'Europe, avec 10 000 décès par suicide chaque année. Ce problème de santé publique touche toutes les populations, tous les âges et toutes les catégories socio-professionnelles. Comment détecter une crise suicidaire ? Que faire si un proche a tenté de mettre fin à ses jours ? Quels soins peuvent lui être apportés ? Y a-t-il des risques de récidives ? Recommandations du psychologue clinicien Jérémie Vandevoorde.
Reconnaître la crise suicidaire
Avant le passage à l’acte, la personne en souffrance est dans un état de crise psychologique dans lequel elle n’arrive plus à trouver les ressources nécessaires pour faire face à son mal-être. C’est ce que les spécialistes appellent une crise suicidaire1,2.
Comme l’explique Jérémie Vandevoorde, elle est reconnaissable à travers divers signes et phénomènes :
- La présence d’idées suicidaires : "Cela peut se matérialiser par des mots, des allusions directes ou indirectes au suicide ou des actes de mise en danger comme l’arrêt d’un traitement chez une personne âgée ou un patient. C’est la première manifestation d’une crise suicidaire".
- La phase préparatoire : "Elle s’illustre par la rédaction d’un testament, la préparation des obsèques, la liquidation des comptes bancaires, la vente d’objets précieux ou plus alertant, l’achat d’une arme ou d’une corde".
- Des modifications de l’humeur, d'accroissement de la colère, de l’angoisse, de la tristesse ou de sentiment de honte. "Cela peut se traduire par une prise d’alcool soudaine ou qui devient chronique, une perte d’appétit, des troubles du sommeil, une irritabilité anormale, l’abandon d’activités plaisantes, l’isolement, une rupture dans les relations, des crises de larme et/ou d’angoisse". C’est la phase la plus importante à repérer.
"La crise peut aller très vite". Lorsqu’elle a lieu dans les 24 à 48 heures, on parle même d'urgence suicidaire1.
Il existe, dans certains cas, un syndrome de faux calme, note le psychologue. "La personne a vraiment décidé de se suicider et est tellement soulagée qu’elle ne présente plus les symptômes listés précédemment". Sa crise ne se voit donc plus aux yeux de son entourage.
Si la prise en charge d’un patient sujet à une crise suicidaire est primordiale pour éviter le passage à l’acte, elle l’est tout autant après un première tentative, car, sans traitements, la récidive est fréquente : selon la Haute Autorité de Santé (HAS)3, environ un tiers des suicidants récidivent, le plus souvent au cours de la première année, et 1 à 2 % des suicidants décèdent par suicide dans ce délai.
Que faire après une tentative de suicide ?
S’informer et comprendre
Pour le Docteur en psychologie clinique, la première action à mener est de s’informer. Il arrive que l’entourage réagisse violemment, soit via la colère soit par la tristesse, ce qui n’aide pas le patient en souffrance. Le but étant de comprendre ce que ce dernier traverse.
En état de crise suicidaire, le sujet se sent tellement démuni, face au mur, que le suicide apparaît comme la seule solution pour fuir ses problèmes. "Comme dans le cas d’une dépression, son cerveau baigne dans le cortisol (hormone du stress, ndlr). Le sujet n’est plus en mesure de gérer ses problèmes quotidiens, ni même de simples actions comme remplir des papiers ou gérer les enfants à l’école".
Il est important de comprendre qu’il n’a pas souhaité faire souffrir son entourage. Il ne faut donc pas être en colère contre lui.
Veiller sur lui
Une grande vigilance est nécessaire dans les jours et les semaines qui suivent le passage à l'acte. Selon les différentes recommandations de la HAS1,3, il est important, lorsqu'il s'agit d'un adulte ou d'une personne âgée de :
- Observer la personne, d'écouter attentivement ses propos, d'être vigilant quant à son attitude et à une potentielle volonté de faire une nouvelle tentative de suicide ;
- Vérifier que la personne n'a pas accès à des outils qui puissent lui permettre de réitérer son geste ;
- Restaurer ou maintenir le lien affectif et de communiquer avec l'individu même si celui-ci s'isole.
Le psychologue recommande d’être dans "la bienveillance chaleureuse" et donner de l’amour et de l’attention à la personne qui souffre.
Être accompagné par des professionnels de santé
L'intervention de professionnels de santé est primordiale.
Le médecin généraliste
Il est à l'écoute du patient, met en place un suivi thérapeutique, dépiste une éventuelle dépression ou une pathologie psychiatrique et peut également être un soutien pour l'entourage.
Le psychologue ou le psychiatre
Il doit être spécialiste du sujet. Lors de la première rencontre, il évalue l'état du patient, détermine également la stratégie thérapeutique à adopter et prescrit un traitement en fonction de la pathologie psychiatrique détectée. Le professionnel peut également être un soutien pour l’entourage en proposant des séances individuelles (pour l’enfant d’un parent qui a fait une tentative de suicide, un conjoint etc.) ou une thérapie familiale.
Les infirmiers
Parfois, des infirmiers peuvent se révéler être un soutien et une oreille attentive.
L’hospitalisation
En 2008, les tentatives de suicide représentaient 2 à 4 % des consultations dans les services d’urgence4. L’hospitalisation peut être envisagée dans le but de :
- Détecter une éventuelle maladie psychiatrique2;
- Protéger la personne soit d’elle-même, soit de son environnement jugé “toxique” par les professionnels de santé ;
- À la demande du patient ;
- L’impossibilité de mettre en place un suivi ambulatoire ;
- Éviter une récidive.
Trois évaluations seront réalisées par le corps médical : somatique, psychologique et sociale. L'hospitalisation est évitée seulement s’il n'y a aucune gravité somatique et que la triple évaluation peut être effectuée par un personnel médical extrahospitalier habitué à la prise en charge de jeunes patients.
La prise en charge est pluridisciplinaire.
Le cas de l’adolescent et de la personne âgée
Les jeunes générations sont elles aussi confrontées au suicide. Le nombre de tentatives chez les jeunes est en hausse dans l'Hexagone, notamment chez les filles. En France, un adolescent sur 12 fait une tentative de suicide avant ses 25 ans5 : ce qui représente près de 600 personnes sur les 10 400 décès par suicide chaque année7.
Les recommandations sont "globalement les mêmes" que pour des adultes à la seule différence que la crise suicidaire de l'adolescent ne doit en aucun cas être banalisée et être confondue avec une simple crise d’adolescence.
Pour la personne âgée, l’isolement est particulièrement marqué et peut être l’une des raisons qui poussent au suicide. De même pour la prise de médicaments parfois lourde, la dégradation cognitive et les handicaps. Là encore, l'accompagnement et la prise en charge après une tentative de suicide restent les mêmes que pour un adulte. Du côté de l’entourage, l’important est d’être proche de la personne âgée et de lui ôter tous sentiments de solitude.
De manière générale, "il faut être attentif les uns aux autres que ce soit pour prévenir le suicide mais aussi les pathologies de l’humeur ou la dépression. Aucune personne ne doit rester isolée".